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par sa mère et par Mme d’Agoult ? Il est fort probable. Dès le début de l’année 1837, George Sand est obligée d’entrecouper ses encouragemens de mercuriales.


George Sand à Solange.


Non datée (début de 1837).

Ma chère enfant, j’espère que tu as réfléchi à tes torts, et que tu es décidée à te mieux conduire avec moi et avec ton frère à l’avenir. Tu as un bon cœur, mais beaucoup trop de violence dans le caractère. Tu as de l’intelligence, et tu deviens grande. Il est temps de travailler toi-même à te corriger. Je sais que Mesdames Martin ne sont pas très contentes de toi[1]. Je t’avertis que tu ne sortiras le samedi qu’autant que ces dames me rendront bon compte de ta conduite de la semaine. Je ne peux plus te traiter en enfant, ma chère fille. Ce serait un mauvais service à te rendre. Fais un effort sur toi-même, sois bonne, sois laborieuse, et, quand tu seras contente de toi, quand tu auras donné de la joie à ceux qui t’aiment, tu seras heureuse et le bon Dieu te bénira. Tu m’as dit avant-hier que tu le priais tous les jours de bien bon cœur. Prie-le de t’aider à vaincre tes défauts, et pense souvent à lui. Pense bien aussi que quand je te punis je souffre plus que toi, et que c’est bien mal de faire souffrir sa mère. Adieu, j’irai te voir dans la semaine. Réponds-moi deux mots et promets-moi de réparer tes torts. Tu le veux, n’est-ce pas ?


Solange promit, et essaya de tenir. Sur ces entrefaites, Maurice tomba malade. La croissance et l’internat l’avaient également éprouvé, et, peut-être plus encore, certaines conversations avec son père. Celui-ci, peu délicat, avait parlé à Maurice de ses démêlés avec sa mère en termes qui l’avaient touché au point le plus sensible. George Sand accourut reprendre Maurice au lycée, et reprocha justement à son mari ce manque de tact. Dès lors, sa sollicitude pour Maurice s’accrut. L’instinct de Solange ne fut point sans l’en avertir. Une obscure jalousie se devine souvent dans ses petites lettres à son frère, d’ailleurs très affectueuses. Mais quoi ! n’était-il pas à Nohant, c’est-à-dire au paradis, tandis qu’elle languissait en pension ?


George Sand à Solange.

Chère mignonne, j’ai reçu ta lettre et je te remercie d’avoir pensé à remplir ta promesse. Tu me dis que tu es bien contente de sortir chez Caron[2].

  1. « Nous espérons bien un jour en faire une bonne élève ; malheureusement elle est un peu paresseuse. » (Lettre de Mlle Martin.)
  2. Vieil ami de George Sand. (Voyez le 1er vol. de la Correspondance.)