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admise dans la Correspondance en six volumes[1]publiée par les soins de son fils ? Sinon, comment interpréter un silence qui ressemble à une exclusion ?

L’explication est en vérité plus simple. Elle tient beaucoup moins aux rapports de la fille et de la mère, qu’aux rapports de la sœur et du frère, à la date de 1883. Maurice Sand, après la mort de sa mère, fut encouragé par ses amis à publier certaines de ses correspondances. Il lança un ballon d’essai, dans la Revue des Deux Mondes, en janvier 1881. Le succès le décida à poursuivre ; il projeta dès lors une publication en six volumes. Solange désapprouvait en principe l’entreprise ; elle était, au surplus, brouillée avec son frère. Aussi, quand Maurice lui demanda communication des lettres qu’elle avait reçues de sa mère, en vue d’un choix, répondit-elle par une fin de non-recevoir. Elle prétendit avoir tout détruit. Elle avait tout gardé. Tout, c’est évidemment trop dire. Du moins avait-elle conservé, et cela dès l’enfance (le détail a son prix), la plupart des feuillets noircis par cette mère d’élite, qui l’avait toujours aimée et conseillée, et à laquelle Solange, en dépit de maintes incartades, avait aussi rendu affection pour affection.

Si donc la fille de George Sand a pu paraître exclue de la correspondance de sa mère, ce ne fut que par sa faute. Faute qu’elle regretta, sur la fin de sa vie ! Après la mort de son frère, un secret désir semble être né chez elle de reprendre, dans la mémoire de la mère glorieuse, une place, — sinon la première, que Maurice avait toujours occupée, — du moins la juste place que George Sand lui avait constamment gardée dans sa vie et dans son cœur. Ce désir était d’autant plus respectable qu’il se liait chez elle au souvenir d’un petit enfant, sur la tombe duquel la mère et la fille confondirent leurs plus douloureuses larmes. Aussi prit-elle soin qu’après elle, parmi les rares papiers dont elle n’ordonnait point la destruction, fussent ceux qui avaient trait à ses rapports avec sa mère, et qu’ils fussent remis entre des mains qui en sauraient le prix[2].

Ce sont ces papiers, dont nous offrons au public des fragmens importans. Ils ne contiennent, à vrai dire, aucune

  1. Calmann-Lévy, 1883-1884.
  2. La correspondance de George Sand avec sa fille (ou du moins ce qu’il en reste), comprend 241 lettres ou billets ; — celle de Solange avec sa mère, 362 lettres ou billets.