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sont aujourd’hui connus, les traits principaux fixés, ainsi qu’un certain nombre de traits secondaires. On connaît la jeune épouse de Casimir Dudevant[1], au génie encore endormi et vague ; on connaît l’amoureuse platonique d’Aurélien de Sèze[2], déjà attentive à l’appel de la vocation ; on a étudié maintes fois la révoltée romantique, Lélia, et, hier encore, on confessait définitivement, — selon toute apparence, — la douloureuse amante de Musset ; on n’a jamais ignoré la mère de Maurice ; l’amie nous est révélée par la correspondance de Flaubert et par vingt autres ; la grand’mère enfin, et la « bonne dame de Nohant, » sont entrées de plain-pied dans l’histoire, j’allais presque dire dans la légende. Des ombres et des rayons qui composent cette vie, les unes sont aujourd’hui éclaircies, les autres consacrés.

Un point s’est jusqu’ici dérobé à l’investigation de la critique. George Sand eut deux enfans, qui tous deux lui survécurent : Maurice, mort le 4 septembre 1889 ; Solange, morte le 17 mars 1899. Abondamment renseigné sur la mère de Maurice, le public ignore à peu près tout de la mère de Solange. Regrettable lacune, qui masque tout un aspect de cette vie, et qui empêche d’en tirer en quelque sorte la contre-épreuve intime. Car la fille de George Sand, — si l’on en juge par les rares pages qui lui ont été consacrées[3], — n’était point femme à passer inaperçue, même auprès de sa mère. Très fille de George Sand par les riches dons de l’intelligence, elle l’était aussi peu que possible par l’imprévu de son caractère et la personnalité de ses goûts. Avec de telles oppositions, les rapports des deux femmes durent être dépourvus de banalité. Leur correspondance ne pouvait manquer d’être la pierre de touche de leur caractère. Il était intéressant de savoir comment George Sand s’était comportée dans cette épreuve, de toutes peut-être la plus périlleuse. D’illustres exemples littéraires nous montrent ce que peuvent être, en pareil cas, les mésintelligences du sang. Mais jusqu’ici régnait, sur ce point, une obscurité complète. Était-ce donc pour quelque fâcheuse raison que, sauf allusion aux années d’enfance de Solange, aucune lettre de George Sand à sa fille n’avait été

  1. Revue encyclopédique, 1893, lettres à la famille Saint-Aignan.
  2. George Sand avant George Sand, par S. Rocheblave (Revue de Paris, 15 mars 1896).
  3. La fille de George Sand, par George d’Heylli, Paris, 1900, plaquette. — Article d’Henri Fouquier, paru dans la Liberté du 7 novembre 1899.