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lois. Mais, dans cette affaire même, dans cette espèce même, et s’en tenant à la seule préparation d’un code du travail, la Commission extraparlementaire offre, par sa composition, les garanties les plus sérieuses, puisqu’elle comprend, outre deux ou trois membres du Conseil d’Etat, deux conseillers à la Cour de cassation, deux professeurs à la Faculté de droit de l’Université de Paris, le directeur du Travail, celui de l’Assurance et de la Prévoyance sociale.

De cette Commission extraparlementaire, le projet de code passerait ensuite à la Commission du travail de la Chambre des députés ; et enfin les Chambres elles-mêmes seront appelées à le consacrer, puisqu’il n’y a point de loi sans elles, et qu’il n’y aurait point de code du travail sans une loi qui autorise sa promulgation, ce code fût-il exclusivement formé, comme il le serait, de lois anciennes et déjà promulguées séparément. Mais le Parlement, incompétent pour préparer la codification réclamée, pourrait faire échouer l’œuvre s’il prétendait la suivre et la reprendre en tous ses détails, s’il en usait avec ce recueil de lois ainsi qu’il a coutume d’en user avec les lois nouvelles, à coups de propositions et de contre-propositions, s’il n’avait pas la sagesse de suspendre volontairement, dans l’occurrence, en considération de l’objet à réaliser, son droit d’initiative, que personne ne conteste, mais que, pour le succès d’un tel effort, tout le monde désire ne pas lui voir exercer. Le rapporteur mettrait donc tout dans son exposé des motifs, qui deviendrait, — s’il est permis de comparer les petites choses aux grandes, — comme une sorte de discours préliminaire au Code du travail ; et il ne mettrait rien, aussi peu que possible, juste l’indispensable, le mot qui créerait la loi, dans le dispositif, qu’il ferait tenir en un seul article ; ceci, par exemple (tiré de la formule usitée pour la ratification des conventions diplomatiques) : « Est adopté le projet de Code du travail dont le texte est ci-annexé ; » ou une formule équivalente. Constitutionnellement, parlementairement, il n’y a pas à se dissimuler que l’opération est délicate : si l’on n’y mêle pas du tout le Parlement, il n’y a point de Code, et s’il s’en mêle trop, il n’y en a plus. C’est une mesure à garder, et c’est au Parlement lui-même de s’y renfermer. Ainsi, de lui-même, a procédé le Reichstag pour le Code civil allemand[1].

  1. Note au rapport de M. Louis Ricard, ancien garde des Sceaux, président de la Commission extraparlementaire, d’après l’ouvrage de M. Raymond Saleilles, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Paris : Introduction à l’étude du droit civil allemand.