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l’observation : « La codification graduelle du droit est la règle chez tous les peuples civilisés de l’Europe, sauf peut-être en Angleterre et dans les pays soumis à l’influence immédiate du système législatif anglais[1]. » — Elle est éminemment dans le génie des races latines, tant d’exemples illustres en témoignent, depuis les Codes grégorien et hermogénien, depuis le Code de Théodose II, le Code et le Digeste de Justinien. — Elle est profondément dans la tradition française, tant d’autres exemples aussi peuvent être invoqués, depuis Barnabé Brisson et Louis Le Caron ou Charondas, depuis la classification des Coutumes par Dumoulin, au XVIe siècle (pour ne pas remonter au-delà), depuis la compilation par Guillaume de Lamoignon de la jurisprudence du Parlement de Paris et les ordonnances de Colbert au XVIIe siècle, depuis les travaux de d’Aguesseau au XVIIIe siècle, depuis la résolution de la Constituante en août 1790, le premier Code pénal de 1791, le Code des délits et des peines de la Convention, enfin depuis le Code civil de 1804 et le Code pénal de 1810.

Nous autres Latins, nous autres Français, nous avons toujours été, nous serons toujours un peu des hommes d’un seul livre, — homines unius libri. Il nous faut un texte, un seul ; une loi, une seule ; un droit, un seul ; et un seul droit, c’est un seul livre. Nous tendons de tout notre être à la clarté, par la simplicité, dans l’unité. La codification des lois sur le travail se justifie donc et juridiquement, et historiquement, et comme psychologiquement. Mais cette codification, il y a deux manières, — au moins, — de la concevoir, et deux méthodes, — au moins, — pour la réaliser.

Le dessein le plus vaste, « la manière large, » si j’ose ainsi parler, comporterait un code complet, embrassant à la fois ce qui est et ce que l’on voudrait qui fût, contenant tout ensemble l’ancien droit et un droit nouveau, régissant la cité présente et bâtissant la cité future ; une codification, sans doute, mais aussi et bien plus encore une rénovation, une révolution. C’est le mirage à l’attraction duquel M. Arthur Groussier ne s’est pas assez défendu de céder, dans la proposition, si intéressante d’ailleurs, et si consciencieusement étudiée, que M. Dejeante a reprise pour son compte au début de la présente législature. Et puis, il y a

  1. Études sur l’ancien Droit et la Coutume primitive, p. 492.