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encore ; un noyau et une nébuleuse. Et sans doute il faut que la partie mouvante ne se fixe jamais tout à fait, ni tout entière, pour que la législation soit bonne et pour que la société ne s’ankylose pas par la paralysie de la loi. Sans doute la loi ne doit pas être immobile, elle doit se tenir en perpétuelle évolution comme la vie, et se modeler incessamment, au plus vite et au plus près, sur elle. C’était l’avis de sir Henry Maine : « Il faut introduire dans la loi ce qui passe pour un progrès aux yeux des générations successives, et ce procédé est, en soi, d’une durée indéfinie[1]. » Mais il faut aussi qu’il y ait une charpente, un système osseux, une épine dorsale, sans quoi le corps social s’affaisserait ou se laisserait aller à des mouvemens ou des flottemens, à des ballottemens désordonnés. Si c’est une grande qualité de la législation qu’elle soit souple et toujours perfectible, c’en est une autre, non moins grande, qu’elle soit également claire et certaine. Or, pour la rendre claire et certaine, quand les années, en accumulant les actes législatifs, l’ont faite confuse et douteuse, il n’est qu’une codification ; — et il n’est même, quoi qu’en ait autrefois pensé Savigny, qu’une codification qui s’offre, à certains momens de l’histoire, « comme le seul procédé possible de l’évolution historique du droit. » C’est un troisième professeur de la Faculté de Paris, M. Raymond Saleilles, qui le remarque[2] : « L’histoire n’est pas cette force inerte, aux germinaisons fatales, où la volonté de l’homme n’ait aucune prise, telle que l’avait cru et soutenu l’École historique. Elle travaille sur des volontés humaines, lesquelles ont part à son action, et il arrive un moment, qu’aucune volonté individuelle, sans doute, n’a ni créé, ni voulu, — ce qui est la part essentielle à faire au déterminisme historique, — mais où la volonté individuelle devient un instrument indispensable du processus historique, le seul procédé de réalisation que l’histoire ait jamais connu, pour hâter et confirmer l’évolution définitive des transformations sociales qui s’accomplissent. »


III

La codification est dans l’esprit de toutes les nations du continent européen. C’est encore sir Henry Maine qui en fait

  1. Études sur l’histoire des institutions primitives, p. 424.
  2. Introduction à l’étude du droit civil allemand, 1904, p. 13.