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se produisirent, qui, non seulement empêchèrent de s’accentuer le mouvement de retour, mais augmentèrent les préventions et la séparation. Plus Montalembert s’était prononcé contre l’Empire, plus le clergé, les catholiques s’étaient rapprochés du nouvel état de choses et le soutenaient. Certains évêques le faisaient avec un zèle enthousiaste. L’attitude du grand orateur catholique semblait être un blâme pour ses anciens compagnons d’armes ; et, à mesure que le mouvement se dessinait, emportant les esprits dans la voie de la centralisation, de l’omnipotence, lui-même était amené à réagir dans un sens opposé, à exagérer peut-être les visées contraires. Il combattait d’ailleurs ces tendances dans l’Eglise autant que dans l’Etat, les y trouvant aussi menaçantes et aussi funestes. Ainsi le péril à conjurer n’était plus le même pour les uns que pour les autres, et le dissentiment allait en s’aggravant.

Les préoccupations de Montalembert, ses craintes, ses irritations, ses vues sur la conduite à tenir, trouvèrent leur écho dans un discours célèbre qu’il prononça à Malines en 1863. Le fond de ce discours reproduit la thèse bien connue de l’orateur sur la nécessité pour les catholiques de renoncer à tout privilège et de se placer désormais sur le terrain de la liberté générale. Mais ce qui le caractérise, c’est la hardiesse, c’est la franchise avec lesquelles Montalembert se met en face de la société nouvelle, en face de la démocratie, avec l’égalité civile, la liberté politique, la liberté de conscience, et se demande dans quel esprit les catholiques doivent l’aborder. Doivent-ils se tourner résolument, définitivement vers l’avenir ? doivent-ils se réclamer du passé ? Quant à lui, son sentiment n’est pas douteux : il faut se tourner vers l’avenir. Montalembert indiquait nettement, sans se faire illusion, les maux et les périls de la démocratie, mais il indiquait aussi les remèdes que l’Eglise tient en réserve. Son discours démontrait qu’il n’y a pas une seule liberté dont les catholiques ne puissent tirer parti, dont ils n’aient besoin, et il disait cela en particulier de la liberté de conscience, commentant cette parole de saint Augustin : « La contrainte peut tout obtenir de l’homme, tout, sauf la foi. » C’était un appel, d’une éloquence entraînante, à la clairvoyante initiative, au courage et à la virilité des catholiques. Accueilli, à Malines, par des acclamations unamimes et enthousiastes que n’oublieront jamais ceux qui en furent témoins, ce discours qui touchait d’ailleurs