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rapidement un peu d’ordre. Il serait peut-être excessif de dire que cette main était indispensablement celle d’un amiral, car il y a à la Chambre d’anciens ministres civils de la Marine qui n’auraient pas été au-dessous de la tâche. Mais, précisément parce qu’ils connaissent leur métier, ils avaient pris violemment parti contre M. Pelletan et, par ricochet, contre l’ancien ministère, ce qui est, nous l’avons dit, un vice rédhibitoire pour celui-ci. Il aurait donc fallu un amiral : on est allé chercher M. Thomson dont les aptitudes maritimes ne se sont jusqu’ici manifestées que dans des rapports et des discours. Mais M. Thomson avait un mérite aux yeux des radicaux socialistes, celui d’avoir toujours été le champion de M. Pelletan. Il l’a défendu partout, à la tribune, dans la presse, dans la commission d’enquête de la marine. Si c’est un titre, nul ne le possède au même degré que lui ; mais il est permis de croire que, pour remplacer M. Pelletan, on aurait dû choisir autre chose que son plus grand admirateur.

Pour tous ces motifs, le nouveau ministère a paru mal constitué, et il a rencontré dans tous les partis un accueil très froid. Mais il fallait le voir à l’œuvre : on attendait de toutes parts avec impatience sa déclaration et ses premiers actes. Il y a en ce moment des intérêts tellement supérieurs aux considérations de personnes qu’on se montrait disposé à être facile et coulant sur celles-ci, peut-être même à l’excès. On allait plus loin encore ; on promettait au ministère de ne pas éplucher de très près son programme politique ; on lui disait même qu’il pouvait, sans soulever une opposition immédiate, y mettre ce qu’il voudrait et dans l’ordre où il le voudrait, les retraites ouvrières, l’impôt sur le revenu, la séparation de l’Eglise et de l’État. Nous ne parlons pas du service de deux ans, parce que la réforme est acquise : encore quelques coups de rabot parlementaire et, quoique très informe, elle sera terminée jusqu’à nouvel ordre. Mais les autres réformes ? Il n’y a pas dans les Chambres un homme de bon sens qui ne soit convaincu qu’une seule d’entre elles puisse aboutir avant les élections. Parmi les bouffonneries de ces derniers temps, aucune n’a été plus joyeuse que le « calendrier des réformes » apporté par M. Combes à la tribune. M. Combes affirmait qu’en accordant une quinzaine de jours à chaque réforme, on les ferait toutes avant la fin de la législature, et que rien n’était plus facile. Cela lui donnera beau jeu pour accuser plus tard ses successeurs de n’avoir rien fait. Ah ! dira-t-il, si j’avais été encore là ! Mais revenons aux choses sérieuses. Dans cette liberté laissée au gouvernement de composer son programme comme il le voudrait, il y a évidemment de l’ironie, mais il y a aussi