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Rien ne serait plus facile que de la surprendre soit dans la mélodie, soit dans l’harmonie, soit dans le timbre, toujours enfin dans un ou plusieurs des élémens spécifiques de la musique même. L’hymne de la première partie, au moment du départ : Dans les jardins nous cueillerons des fleurs, abonde en traits charmans de psychologie ou de vérité enfantine. Léger d’abord et porté sur des harpes légères, sauvé de la banalité, — qu’on pouvait craindre, — par les plus heureux détours de rythme, de modulation, de cadence, il prend de la force et de l’ampleur. Remontrances paternelles, supplications plus tendres des mères, rien ne prévaut contre lui. Il se dresse et se redresse, il réplique et rebondit, il s’entête et s’irrite. « Vers Jésus ! Vers Jésus ! » crient, jusqu’à se rompre, les petites voix, indignées que d’autres, les grandes, prétendent leur commander ou les couvrir. Des trompettes douces, mais des trompettes pourtant résonnent et circulent à travers les harpes. Et tout cela fait le plus joli mélange, et le plus touchant, de crânerie et de faiblesse, d’héroïsme et de gaminerie.

« Les délicats sont malheureux, » a dit le poète. Ils ne le sont pas toujours, même en musique. La scène entière de la Grand’route est faite pour les ravir. Tout est délicieusement frêle et pur en cette halte mêlée de prières, de chansons et de jeux. Les thèmes populaires y sont choisis, peut-être imités avec goût, harmonisés, « contre-pointes » avec un art ingénieux. Et dans l’ordre de la déclamation à demi récitative et mélodique à demi, je ne sais rien de plus ténu mais de plus pénétrant que certaines phrases du petit Alain à la petite Allys. La voix ici par le et chante seule, ou plutôt elle murmure à peine. Mais ce qui fait le prix de ce murmure, c’est que la forme ne va pas jusqu’à s’y évanouir ou s’y dissoudre. Elle subsiste, et le contour musical a beau s’amincir jusqu’à n’être plus qu’un fil sonore, ce fil est d’argent fin : il brille, il plie et ne rompt pas.

La scène au bord de la mer, qui languit à la longue, commence par une lyrique invocation, par un ardent salut d’amour à la mer sacrée entre toutes, que Jésus, qui vécut auprès d’elle, et ses disciples, qui la parcoururent tant de fois, ont faite divine. Cette mer, avant d’être mortelle aux enfans, leur est douce. Elle les attire, elle les appelle de tout son azur, de tous ses parfums et de toutes ses voix. Ils lui répondent eux-mêmes. Et l’on se souvient de la célèbre -parole allemande, que chez nous on ne saurait trop répéter : « Il faut méditerraniser la musique, » devant ce « θάλαττα » joyeux des cohortes enfantines, jolie page — et bien française — de musique méditerranisée.

Parmi tant de jeunes cantiques, le plus inspiré, par un souffle