Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/707

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans le rôle du Priamide, M. Clément fait preuve de goût et de style. Mais pour les voiles mauves d’Hélène la tunique de Paris a semblé d’un bleu cruel et, par hasard à l’Opéra-Comique, les couleurs ne se sont point accordées aussi bien que les sons.


Daria n’est pas, comme on le pourrait supposer, l’épouse de Darius. Elle n’est qu’une petite « moujick. » Autrefois elle fut la serve maîtresse de son maître Boris. Et malgré sa faute, un de ses compagnons de servage, Ivan, l’avait aimée. Il l’aime encore et quand leur commun seigneur l’abandonne, il ne craint ni ne rougit de la prendre pour femme et de s’en aller vivre avec elle, en bûcherons, au fond des bois. C’est le premier acte.

Au second, — et dernier, — Boris revient. Nouvelle tentative de séduction ; réveil, dans le cœur mal apaisé de Daria, de l’ancienne tendresse ; après quelques péripéties d’ivresse simulée et de véritable fureur, étranglement de Boris par Ivan ; suppression de la victime et de la preuve du meurtre par l’incendie final de « l’izba » et fuite, à travers les halliers, du meurtrier, de sa femme et de leur enfant, que nous allions oublier, mais qu’ils n’oublient pas.

La musique de ce drame slave, seigneurial et forestier, n’est point à dédaigner. Un peu compacte, un peu terne, la partition de M. Marty pourrait être, comme on dit, plus « en dehors ; » au dedans du moins elle n’est pas vide. Encore mieux que l’audition, la lecture en porte témoignage. Et même au théâtre, le début du second acte, la scène où Daria berce d’une voix lasse l’enfant de son triste amour ; un refrain de bûcheron qui répond à la berceuse ; les quelques page ? d’orchestre qui suivent, tout cela nous a paru traduire avec beaucoup de charme et sans banalité la mélancolie des choses et des âmes.

Aussi bien, depuis qu’il a pris la direction de l’orchestre du Conservatoire, on sait quel solide et sérieux musicien est M. Georges Marty. Que dis-je, on le savait auparavant. Et rien dans sa nouvelle œuvre ne permet qu’on en doute, ou qu’on l’oublie.

M. Delmas chante le rôle d’Ivan et même, dans la scène d’ivresse, il le danse. Saltavit et placuit. La voix de M. Rousselière (Boris) est agréable. Et les chœurs de l’Opéra chantent si faux qu’ils font peine à entendre ; mais ils jouent, se tiennent et se meuvent d’une manière si ridicule qu’ils font plaisir à voir.


L’État n’eût peut-être pas honoré d’un prix, — fût-ce le second, — le poème de M. Marcel Schwob, mis en musique, et en musique