Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/642

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IX

Brentano, Boehmer, les Boisserée, Cornélius, c’était le romantisme en ses aspects les plus divers ; et c’était, à l’arrière-plan, la pénétration du catholicisme dans les imaginations fascinées. Mais autour de la Table Ronde se concertait une tâche nouvelle, la pénétration du catholicisme dans la vie politique, parlementaire et sociale. En un coin de la table, les juristes avaient leur thé. L’un d’eux, George Phillips, était l’intime de la maison : en 1828, au moment où les universités prussiennes mettaient en lui leur espoir, il avait, en se faisant catholique, perdu la faveur du ministre Altenstein ; Munich le recueillit, et lentement il y préparait son manuel de droit canon, que 1845 vit éclore. Jarcke, son ami, s’échappait souvent de Vienne, où il avait un poste, pour venir causer à Munich. C’était aussi un converti. Prussien d’origine, il s’était acquis à Berlin une grande réputation de criminaliste, et puis un renom d’écrivain politique par un livre sur la révolution de 1830. Encouragé par le succès et par le général de Radowitz, on l’avait vu fonder et diriger, quelque temps durant, la Semaine politique berlinoise, dans laquelle, en face des périls d’anarchie révolutionnaire, il développait une notion organique de l’État. Dans le cercle de Goerres, c’est lui que l’on consultait sur le droit public, comme Phillips avait la parole sur le droit canon. Il n’était pas jusqu’à la question des mariages mixtes, troublante pour l’Allemagne entière, qui ne trouvât près de la Table Ronde un spécialiste ; il s’appelait Ernest de Moy, était fils d’un émigré français, et ce laïque, dès 1830, empruntant à la tradition catholique les élémens d’un traité sur la théorie canonique du mariage, avait éclairé l’Église d’Allemagne de cette lumière même que son clergé laissait vaciller.

Les théologiens voisinaient avec les juristes : il y avait là Hofstaetter, le futur évêque de Passau ; l’exégète Haneberg, qui mourra sur le siège de Spire ; l’orientaliste Windischmann, plus tard vicaire général de Munich ; il y avait là Moehler, qui, lui, s’effaçait volontiers, car la chaleur des conversations lui faisait mal aux nerfs ; Doellinger, enfin, était un visiteur très régulier. Entre juristes et hommes d’Église, le parallèle ne laissait pas d’être piquant ; il advenait, dans le coin des prêtres, qu’on trouvât ce Jarcke légèrement fanatique, et ce Phillips singulièrement