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position dogmatique que prenait ainsi Baur, et la vieille orthodoxie des livres symboliques, qu’il prétendait défendre contre Moehler, un abîme dont Baur méconnaissait la profondeur. Le symboliste, d’après lui, n’a pas à envisager les conséquences mêmes que les symboles tirent de leurs principes, mais seulement ces principes eux-mêmes ; et Baur, à la faveur de cette rassurante distinction, créait, sans toujours s’en douter, un protestantisme nouveau.

C’était faire à Moehler la partie belle. Le théologien catholique revint à la charge. Reprenant chacune des divisions de sa Symbolique, il articula tour à tour, avec une ironique patience : « D’abord l’adversaire défend contre nous la doctrine protestante, ensuite il attaque la doctrine catholique, puis il propose une nouvelle doctrine ; » et successivement, il critiquait en Baur l’avocat du protestantisme ancien et l’inventeur d’un protestantisme nouveau. Quelques années plus tôt, à l’occasion du centenaire de la confession d’Augsbourg, Moehler avait écrit, non sans quelque sourire, que c’étaient les catholiques qui conservaient encore, dans leur propre Credo, bien des articles de cette confession, et que c’était dommage, pour le christianisme, que les évangéliques, qui la fêtaient comme un manifeste de sécession, en gardassent, pour leur propre compte, moins de lignes que les fidèles de Rome, qui la déploraient. Le propos est d’un polémiste : Moehler, dans sa réplique à Baur, eut occasion de déployer ses talens. La Symbolique avait examiné l’ossature du protestantisme orthodoxe et piétiste ; c’était, avec Baur, un protestantisme rationaliste qui s’offrait aux coups de Moehler, et la Défense de la Symbolique se pourrait lire comme appendice à l’Histoire des Variations[1]. Doellinger, en 1845, s’attardera volontiers à relever ces « variations ; » de Baur, en même temps qu’il défendra Moehler contre le reproche qu’inclinait à lui faire Gladstone, d’avoir exagéré les divergences entre catholicisme et protestantisme. « La Symbolique, ajoutera-t-il, a dans l’Allemagne catholique une sorte d’autorité classique, et c’est de ce livre, en partie, que la jeune génération de notre clergé a tiré ses principes dogmatiques. »

C’est ainsi que Moehler, mourant à Munich en 1838, laissa

  1. La collection de la Pensée chrétienne (librairie Bloud) publiera prochainement un volume sur Moehler, où nous essaierons de rassembler et de relier les pages principales de son œuvre.