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chrétiens. La tradition est à travers les siècles la voix de l’Esprit, et cette voix, comme l’Écriture, est inintelligible hors de l’Église.

L’hérésie, c’est « l’action de chercher le christianisme par la pensée seule, abstraction faite de la vie commune des chrétiens et de toutes les obligations qu’elle impose ; c’est une doctrine se développant à part de la vie commune et perpétuelle des fidèles. » Pour le catholique, l’Esprit qui produit l’amour au sein de l’Église est le même qui produit la vérité : cela, l’hérétique le nie. Il traite le christianisme comme une pensée pure, comme une idée sans vie. De même que Pelage croyait l’homme assez enclin vers le bien pour se pouvoir passer d’une relation perpétuelle et efficace avec Dieu, de même l’hérésie, « sorte de pélagianisme théorique, » estime qu’avec un livre l’homme peut atteindre et garder la vérité, sans l’assistance de l’Esprit. L’hérétique oublie qu’il faut être en communauté pour bien connaître Dieu, pour bien connaître le Christ. Bref, la vérité religieuse ne peut être le partage que de la société religieuse, et Moehler estime que l’hérétique qui vit dans une communauté de fidèles, même limitée, possède une plus haute idée du Christ, que celui qui veut rester tout à fait seul.

Peut-on même connaître Dieu, rationnellement, sans cet Esprit qui est à la fois un lien social et un messager de vérité ? Moehler, en ce livre, répondrait volontiers par la négative. Les Pères, tels qu’il les interprète, admettent chez les païens des rayons de la sagesse divine, donnés à certains individus par le Verbe même, ou dérivant d’une révélation primitive : ainsi cette connaissance rationnelle reposait finalement sur la foi, sur une révélation. Au reste, l’ancienne Église exigeait, pour une parfaite connaissance de Dieu, une âme pure et sainte ; et c’est là un mérite que Dieu seul est en état d’accorder, et qu’il n’accorde pas hors de l’Église.

Un chapitre suit, dans lequel Moehler, déroulant le double cortège des théologiens spéculatifs et des théologiens mystiques, nous veut faire admirer l’infinie variété qu’implique l’indispensable unité de l’Église ; il passe, ensuite, à la hiérarchie. Derechef, l’amour est à l’œuvre : c’est l’amour qui, dans l’Église, provoque le mouvement vital par lequel elle s’organise. Au début, tous les fidèles se sentirent tellement entraînés les uns vers les autres, qu’ils avaient besoin de se voir représentés par