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premier acte de foi, comme à l’origine de la conversion du monde, au jour de Pentecôte, il y eut l’Esprit. La croyance chrétienne, avant d’être devenue parole écrite, existait dans les âmes des apôtres, remplis de l’Esprit ; et sans lui, les Écritures sont incompréhensibles, inutiles. De même que la nature et l’histoire, révélations de Dieu, ne font connaître le vrai Dieu qu’à ceux qui le portent déjà dans leur cœur, de même les Livres Saints, révélations de l’Esprit, ne sont intelligibles qu’à ceux auxquels il s’est déjà communiqué.

C’est par l’Église qu’il se communique. Collectivité des fidèles, elle a reçu d’en haut la vie divine, une fois pour toutes ; hors d’elle, ni Esprit, ni vie divine. Quand Paul reçut directement l’Esprit, il sentit le besoin de s’unir à ceux qui l’avaient déjà reçu : l’Esprit qui pousse au séparatisme est un faux esprit ; l’Esprit est un, l’Église est une.

Une, d’abord, d’une unité mystique. « L’esprit qui habite en nous, dit saint Cyprien, étant un et le même en tous, unit partout étroitement les siens, par le lien de l’amitié. » Moehler insiste sur cette idée d’accord, d’amitié : il établit, avec saint Ignace d’Antioche, que c’est par l’amour puisé dans le sein de l’Église, par l’amour reliant les fidèles entre eux, que nous possédons, conservons et propageons l’Esprit. La compréhension du christianisme est le fruit et la sanction d’une vie d’amour ; et « plus la communauté des fidèles devient vivante en nous, plus notre conviction de la divinité du Christ demeure entière. »

L’Église est une, encore, d’une unité doctrinale. L’amour en Jésus par l’Esprit rattache le fidèle à toutes les générations précédentes : la tradition symbolise ce lien. Jésus aurait pu écrire un livre : chacun l’aurait lu, à l’écart ; chacun s’en serait assimilé personnellement la doctrine abstraite. Mais Jésus voulut que le christianisme fût une vie, et que cette vie reposât sur l’association des âmes : le fait initial, c’est la communauté chrétienne ; la tradition existait avant la rédaction de l’Écriture. Sans l’Écriture, nous n’aurions pas une image complète du Sauveur, ni ses propres paroles ; et « je pense, ajoute Moehler, que je ne voudrais plus vivre si je ne l’entendais plus parler. » Mais sans la tradition, nous ne le comprendrions pas. Saint Irénée mentionne des barbares, qui ne connaissent ni papier, ni encre, et qui, gardiens de la tradition, cet Évangile vivant, sont par là même