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l’Église des trois premiers siècles pour la faire revivre, telle quelle, au XIXe siècle. Il suffisait de réintroduire dans l’enseignement ecclésiastique la théorie du « développement, » c’est-à-dire, en définitive, la notion de vie, pour que les tentatives « réformistes » fussent implicitement condamnées, et pour que les archaïsans novateurs qui se donnaient comme les dévots d’une certaine « Eglise primitive » fussent convaincus de n’être nullement des progressistes, mais tout au contraire des réactionnaires.

C’est en 1821 que Drey consacra formellement l’un de ses cours à l’histoire des dogmes. On considérait le dogme, autour de lui, comme un système mort-né datant de dix-huit siècles, et protégé contre le néant par un rigide appareil de bandelettes ; Drey dévoilait, dans ce mort-né, un organisme vivant. L’idée de progrès, dont le XVIIIe siècle s’était engoué, faisait sa rentrée dans la théologie catholique ; et le progrès en matière de dogmes, tel que le révélait l’histoire, n’avait point l’audace d’une aventure, mais la sécurité d’une croissance, spontanée, naturelle, organique ; les Pères, les conciles, les décisions papales, montraient l’intelligence collective de l’infaillible Eglise s’appliquant sur la révélation, et mûrissant, observant, exploitant le germe divin, sans jamais le dessécher. Le développement du dogme, ainsi conçu, devenait une réponse incessante de la piété interrogatrice des fidèles à la complaisance révélatrice du Très-Haut, un acte séculaire de collaboration entre l’initiative humaine aux écoutes et le Verbe divin parlant à mi-voix, une inépuisable sanction des aspirations du fini vers l’infini, une incursion permanente de l’Église dans le domaine des mystères, non pour les expliquer, mais pour les sentir toujours plus indiscernables et pour en frôler toujours de plus près l’inconnaissable, — ce qui est encore une façon de comprendre et une façon de connaître. Un immense champ d’études s’ouvrait aux regards. Moehler survint, pour s’y installer en maître.


III

Jean-Adam Moehler était jeune prêtre, et soignait de son mieux des âmes de paysans, lorsque la faculté de Tubingue, en 1820, eut la pensée de l’appeler à elle pour des besognes auxiliaires ; deux ans après, la perspective d’une chaire d’histoire ecclésiastique