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cartons où est leur image, un grimoire sans doute fort aimable, que je me ferai traduire plus tard.

A présent, laissons-les se reposer, d’autant plus que le soleil d’automne rayonne dehors, mélancolique et doux, et qu’Inamoto m’attend sur la délicieuse montagne, — où partout les fougères sont devenues longues, longues, dans leur dernier développement de fin d’été, et où déjà les sentiers se parent de tapis couleur de rouille et d’or, à la chute des feuilles mortes.


Qu’elles auront donc passé vite et légèrement, ces trois dernières semaines dans la ville de Mme Prune ! Est-ce possible qu’elles soient déjà si près de finir ?

Aujourd’hui, vrai dimanche d’automne, premier jour sombre, froid ; les montagnes alentour, comme écrasées sous un ciel bas et lugubre.

Et puis, éternels changemens de la vie maritime : hier, on était encore tout à la joie de cette dépêche, annonçant le retour du Redoutable en France ; aujourd’hui découragement sans bornes en présence d’un nouveau contre-ordre qui maintient le navire et son équipage une troisième année dans les mers de Chine. Mes plus proches camarades et moi, nous rentrerons quand même au printemps prochain, par quelque paquebot, avec notre amiral dont nous composons la suite ; mais nos pauvres matelots resteront à bord, exilés pour une année de plus, y compris le mélancolique fiancé, avec sa petite caisse de présens et sa pièce de soie blanche pour la robe de mariée…

De toute façon, si le Redoutable, plus tard, revient à Nagasaki, je n’y serai plus, et quand il quittera ce pays mercredi prochain pour faire route vers l’Annam, il me faudra dire l’éternel adieu à toute japonerie…

Aujourd’hui, mon suprême rendez-vous dans la montagne avec Inamoto, ma gentille amie, que son père emmène demain je ne sais où, dans l’intérieur de l’île, bien loin d’ici. Sous le ciel obscur, je m’achemine donc une dernière fois vers le vieux parc abandonné, là-haut, en pleine ville des morts. Par ce temps gris, automnal pour la première fois de la saison, je retrouve dans les chemins grimpans, parmi les feuilles mortes et les longues fougères somptueuses, mes nostalgies de l’automne passé. Combien m’étaient déjà familières les moindres choses de ces parages, chaque tournant des sentiers, chaque tombe enlacée de