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ESCALES AU JAPON
(1902)

DERNIÈRE PARTIE[1]

23 septembre. — Vers le milieu de juillet, le Redoutable avait quitté Nagasaki, pour retourner en Chine, à Takou, son poste de souffrance. Ensuite, après deux mois de pénibles travaux, le rembarquement du corps expéditionnaire étant terminé, nous avons fait route vers le nord du Japon, afin que tout l’équipage pût respirer un peu d’air froid et salubre, avant de redescendre du côté de la Cochinchine, si énervante et chaude.

Et aujourd’hui, nous avons mouillé devant Yokohama, par un de ces temps frais qui rendent la vie aux anémiés. Nous aurions cependant préféré Nagasaki, mais il n’en est plus question dans le programme de cet hiver, et il faut sans doute en faire notre deuil, nous ne le reverrons plus.

Yokohama, il y a quinze ans, c’était déjà la ville la plus européanisée du Japon. Et depuis, le bienfaisant progrès y a marché si vite que c’est à n’y plus rien reconnaître. Dans les rues, que des fils électriques enveloppent à présent comme les mailles sans fin d’une immense toile d’araignée, quelle mascarade à faire pitié ! Chapeaux melon de tous les styles, petits complets couleur puce ou couleur queue de rat, tous les vieux stocks de costumes invendables en Europe, déversés à bouche que veux-tu sur ces seigneurs, qui naguère encore se drapaient de soie. De vastes comptoirs modernes, où se liquident à la grosse,

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1904 et des 1er et 15 janvier.