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convenablement instruits, ont eu le temps d’être moralement conquis par leurs chefs.

Le soldat de vingt-deux à vingt-cinq ans est le meilleur. Il est encore enthousiaste, hardi et insouciant. Il est en pleine force, et présente aux fatigues, comme aux maladies, le maximum de résistance. Plus âgé, son sens critique se développe, la monotonie du service militaire le rebute. Il prend de mauvaises habitudes et souvent de mauvaises mœurs. Il se dévoue plus difficilement et les fatigues éprouvent davantage son moral. Ce dernier point est très important, car la fatigue suffit pour déprimer le moral des troupes à un degré que soupçonnent à peine la plupart des officiers qui n’ont pas fait campagne. Aussi est-il essentiel de ne commencer la guerre qu’avec des troupes bien entraînées. Avec le système des armées principalement recrutées par l’appel des réserves, ce desideratum est évidemment fort difficile à obtenir ; toutefois, une organisation spéciale peut permettre d’en approcher. Jusqu’à présent nous n’avons tenu aucun compte de ce principe. En voici la preuve. Une compagnie d’infanterie de 120 hommes prise au hasard, au moment d’un exercice de mobilisation de printemps (par conséquent à l’instant qui nous est le plus avantageux), se partage ainsi : la moitié est formée par les recrues de l’année, les deux autres quarts sont composés d’hommes des deux autres classes (loi de 1889). On a donc 56 recrues, et 27 ou 28 soldats de chacune des classes précédentes. En réalité, les officiers ne disposent donc que de 55 soldats complètement instruits et connus de leurs chefs (avec la loi de deux ans, cette proportion va encore diminuer) : les autres n’ont pas fini leur instruction. C’est dans ces conditions qu’au moment de la mobilisation, la compagnie se complète par 130 réservistes, qui pour la plupart n’ont jamais paru au corps et sont, par conséquent, complètement inconnus. Les notes individuelles données sur les livrets ne renseignent que vaguement. D’ailleurs, après sa libération du service militaire, l’homme change. Alors seulement il commence à se trouver aux prises avec les difficultés de la vie. C’est le moment où il accepte le plus volontiers les idées révolutionnaires qui prétendent lui offrir le remède à ses maux. Son moral se modifie, et, quant à son aptitude physique, elle disparaît complètement. Ces deux points sont trop importans pour ne pas être examinés séparément.

Le développement des théories de fraternité internationale,