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quelques années, on le verra encore. Aussi les députés sont-ils de plus en plus inquiets de la campagne qui se prépare, et leur anxiété se traduit en impatience contre le cabinet. La suppression de tant de maisons religieuses, à supposer qu’elle ait produit un bon effet dans certains milieux, est déjà chose ancienne : il faut bien reconnaître qu’on n’a rien fait depuis et on commence à s’avouer qu’on ne fera rien. De là une irritation des esprits, qui augmente d’un mois à l’autre, à mesure qu’on se rapproche de l’échéance fatale ; et c’est au moment où cette irritation arrivait à l’état le plus aigu que l’affaire, la maudite affaire de la délation, a éclaté dans un ciel qui avait déjà cessé d’être serein. Tout pourrait se réparer, on le croit du moins, si on menait à bon terme une réforme ou deux. M. Millerand promet d’y réussir pourvu qu’on ait recours à lui. M. Doumer ne montre pas moins d’assurance, et, fidèle à la méthode qui lui a si bien réussi, il laisse tout espérer. Beaucoup de gens dans la Chambre, après s’être convaincus que l’esprit de M. Combes n’allait pas au-delà de quelques exécutions monacales et que sa volonté était incapable de s’appliquer à autre chose, éprouvent un besoin irrésistible de changer pour changer, uniquement parce qu’ils se trouvent très mal, ce qui est à la vérité une bonne raison, et ils ne se demandent guère quel sera le lendemain. On le verra bien : il faut avant tout sortir de l’ornière actuelle. Rien n’est possible avec un gouvernement décrié, déconsidéré et d’ailleurs fourbu, qui, n’ayant pas assez de temps pour se défendre contre des adversaires de plus en plus nombreux, ne saurait plus faire autre chose. Quand la majorité d’une Chambre pense et sent ainsi, le gouvernement est perdu. Il tombe d’une manière ou d’une autre, mais il tombe immanquablement.

A la veille de la rentrée, qui se doutait que M. Doumer allait poser sa candidature ? Il l’a fait pourtant. Le succès a récompensé son audace, et tout l’établissement politique où nous vivions, majorité et gouvernement, s’est trouvé être un château de cartes sur lequel il suffisait de souffler pour le renverser. Quel que soit l’avenir, on saura gré à M. Doumer d’avoir tenté le coup et de l’avoir réussi. Le gouvernement de M. Combes nous a fait assez de mal, moralement et matériellement, pour que nous désirions ardemment sa chute. Il a remplacé les idées par les violences et les brutalités, et, faute d’un programme politique véritable, autour duquel il aurait pu grouper une majorité sincère et solide, il a procédé sur les députés eux-mêmes par l’intimidation et la corruption. Son seul procédé de gouvernement a été la plus basse police : il l’a étendue partout, jusque