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à tout faire et qui n’en a rien fait, car la dispersion de quelques couvens, ou, comme il dit, de quelques « moineries, » est à ses yeux pure bagatelle. Sévère pour le cabinet, il n’épargne pas non plus la Chambre. « Avec une majorité, dit-il, rationnellement organisée pour l’action parlementaire, la situation d’un cabinet aussi scandaleusement inférieur à sa tâche eût été bien vite liquidée. » Il paraît que la majorité, manquait d’une organisation rationnelle : aussi n’a-t-elle rien fait et le gouvernement n’a-t-il su en tirer aucun parti. S’il n’y avait que M. Clemenceau pour tenir ce langage, on pourrait l’attribuer à l’esprit irrémédiablement critique dont il a donné tant de preuves ; mais il n’est pas le seul. Les principaux assauts qui ont été livrés à M. Combes, à la Chambre, l’ont été par des hommes qui lui adressaient le même reproche d’incapacité et d’impuissance. M. Millerand en particulier, qui a préparé tant de réformes sociales dont il a laissé le plus grand nombre en plan après trois ans de ministère, n’a pas cessé de lui demander : Qu’avez-vous fait des retraites ouvrières ? qu’avez-vous fait de l’impôt sur le revenu ? qu’avez-vous fait de la séparation de l’Église et de l’État ? qu’avez-vous fait du service de deux ans ? De toutes ces séduisantes réformes, qui ont été si formellement et si souvent promises au pays, une seule, la dernière, aboutira avant les élections prochaines : encore n’est-ce pas le gouvernement qui en a pris l’initiative, mais un simple sénateur, M. Rolland, et, sans le Sénat, elle n’aurait pas abouti plus que les autres. Le gouvernement aurait pu du moins s’employer à en corriger les défauts ; il s’en est abstenu et la réforme militaire aura été faite dans les plus mauvaises conditions possibles. Cette fois, c’est nous qui parlons, et non plus M. Millerand, ni M. Clemenceau : ils se contentent, pour leur compte, de reprocher au gouvernement sa prodigieuse stérilité.

Nous nous en consolons plus aisément : il vaut encore mieux ne rien faire que de faire de mauvaises choses. Lorsque la coalition qui s’est formée aura renversé M. Combes, l’effort auquel elle se livrera pour réaliser quelques-unes des réformes en vue sera le plus grand danger de la situation. Mais comment y échapper ? Il n’est pas douteux qu’aux élections prochaines, on reprochera aux députés actuels d’avoir à peine rempli un seul de leurs engagemens. Des concurrens se dresseront contre eux pour les en accuser et probablement, hélas ! pour faire des promesses nouvelles encore plus difficiles à tenir que les anciennes. L’expérience du passé devrait conseiller plus de modération et de réserve pour l’avenir ; mais la politique électorale, la pire de toutes, pousse aux surenchères : on l’a constamment vu depuis