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sa protégée. La Turque est mise en prison : mais le vrai coupable se trouve être le fils aîné de Christine qui, « après avoir manipulé on ne sait quelle drogue pour embellir les dames, a oublié de nettoyer le vase où il l’a tenue. » Et l’accident coûte la vie à ce marquis Guido Pepoli, au sujet duquel la Malvezzi, onze ans auparavant, a prédit à Christine qu’elle « ne parviendrait plus à en extraire un sequin. » Un autre des habitués de la maison, le comte Maxime Caprara, meurt d’une vilaine maladie, qui, du reste, semble avoir été alors très répandue à tous les degrés de la société bolonaise : aussitôt circule, par la ville, un « Sonnet en souvenir du comte Caprara, mort pour avoir aimé Donna Christine. » Un autre encore, sur la place, offre à ses amis du tabac dans un cornet de papier ; et comme on lui demande ce qu’il a fait de sa « belle tabatière, » il répond qu’il l’a laissée chez la marquise Paleotti : « C’est là, dit-il, une maison où l’on doit se garder d’aller si l’on n’est pas résigné d’avance à y laisser sa peau ! » Ce qui n’empêche point cette maison d’être, de jour en jour, plus fréquentée, et par les plus grands personnages aussi bien que par les artistes et les comédiens. Les dames elles-mêmes de Bologne considèrent les soirées du palais Paleotti comme une institution indispensable à la vie de leur ville : un jour, Christine ayant été invitée, une fois de plus, à se retirer dans ses terres, la marquise Bentivoglio et la comtesse Canossa vont se jeter aux pieds du cardinal-légat, le forcent à leur accorder le rappel de l’exilée.

Salon littéraire et mondain, brelan, mauvais lieu, la maison de la marquise Paleotti est encore, et surtout, une agence matrimoniale. Des centaines de fiançailles s’y machinent, dont quelques-unes provoquent la surprise de toute l’Italie, comme celles du comte Ludovic Bentivoglio avec la fille d’un petit médecin bolonais. Et je n’ai pas besoin d’ajouter que, tout en s’occupant du bonheur des autres, Christine ne néglige pas d’assurer celui de ses propres filles. Peut-être même, en vérité, n’y a-t-il pas une seule de ses aventures qui lui ait aussi brillamment réussi, ni dont elle ait tiré autant de gloire en son temps, que sa longue intrigue pour marier sa fille Diane avec l’un des fils du prince Colonna. Des livres entiers ont été consacrés au récit de cette intrigue par des écrivains qui ont vu là un incomparable sujet de roman suivant le goût d’alors, sauf, sans doute, à en renforcer l’intérêt par quelques additions de leur cru : car les faits essentiels de l’histoire, au demeurant, ne laissent pas d’être assez banals, et tels qu’aujourd’hui encore nous en voyons partout se produire d’à peu près semblables. Venu à Bologne pour assister à une représentation