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1663 à 1671, les chroniques bolonaises ne manquent point de s’occuper d’elle ; mais elles n’en parlent jamais que pour célébrer sa beauté et l’agrément infini de sa conversation. « En grâce, en esprit, en originalité, personne ne l’égale, » écrit le chroniqueur Tioli. Ghiselli, qui bientôt va la détester, l’appelle « la plus belle des femmes et la plus exquise. » Il n’y a pas jusqu’aux pamphlets et impromptus satiriques qui ne la traitent avec un respect tout particulier. Dans l’un d’eux, elle est présentée comme « la plus douce et la plus gracieuse des dames bolonaises ; » un autre la définit « l’ange, » par contraste avec toute une légion de démons. En 1668, l’empereur Léopold. pour lui marquer son estime, lui fait remettre solennellement une croix d’or. Il est vrai que, à peu près vers le même temps, durant un voyage qu’elle a fait à Milan avec son mari, nous apprenons qu’elle a retrouvé le connétable Colonna, son premier amant, et que les attentions qu’il lui a témoignées ont provoqué la jalousie de Marie Mancini. « La marquise Paleotti, fille du duc de Northumberland, étant alors dans la fleur de son âge, attirait les yeux de tout le monde ; ceux de Monsieur le connétable n’en furent pas exempts, et quand j’eusse voulu ne pas prendre ces regards dérobés pour des marques de la passion qu’il avait pour cette belle, les empressemens et les assiduités qu’il avait auprès d’elle ne m’auraient pas laissé de lieu d’en douter. » Voilà ce que nous lisons dans les soi-disant Mémoires de Marie Mancini ; mais rien ne prouve, au total, que l’ancien séducteur de Christine n’ait pas dû, cette fois, s’en tenir simplement à des « regards dérobés. »

Ce n’est qu’en 1671 que commencent les véritables « aventures » de la belle marquise. Cette année-là, nous voyons que le cardinal-légat l’enferme, pendant quatre mois, au monastère de Sainte-Marguerite. Encore cette mesure semble-t-elle avoir été inspirée plutôt par des considérations politiques, et notamment par la crainte que Christine, « étant très estimée de tous, » ne profitât de son influence pour tenter la libération de son mari, qui se trouvait alors en prison, lui aussi. Vient ensuite une intrigue amoureuse à Rome, dont Christine nous par le dans ses sonnets, et que lui reprochera plus tard, entre autres choses, sa terrible amie, la marquise Malvezzi. Mais sur ce point tout détail nous manque, tandis que nous sommes au contraire pleinement renseignés sur un second voyage à Milan, en 1679, pendant lequel Christine, au su et avec l’approbation de son mari, s’est fait donner une foule de cadeaux, en espèces et en bijoux, par le comte Antoine Trotti et d’autres gentilshommes, si bien que le gouverneur de la ville l’a poliment invitée à rejoindre Bologne.