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bleus, les cheveux d’un noir admirable, et, dans toute sa personne, quelque chose à la fois d’enfantin et d’angélique qui, à quarante ans, faisait qu’on la prenait pour la sœur de ses filles. Et l’on peut bien dire que, tant qu’elle a vécu, elle n’a point cessé de remplir du bruit de son nom toute l’Italie : à tel point que, de nos jours encore, ce nom y est souvent cité comme celui de l’une des plus étonnantes « aventurières » du seicento, époque qui pourtant a eu le privilège d’être plus riche qu’aucune autre en aventuriers de tout sexe et de toute condition.

Nous avons aujourd’hui, pour nous renseigner sur cette remarquable personne, deux sources principales d’information : les chroniques contemporaines, qui nous racontent le détail de ses « aventures, » et une demi-douzaine de sonnets italiens, écrits par elle, et que nous ont conservés des recueils du temps. Ces sonnets viennent d’être reproduits tout au long par M. Corrado Ricci, l’éminent directeur du musée des Offices, dans un très intéressant volume d’études historiques ; et c’est encore à M. Ricci que nous devons de trouver résumés, en une centaine de pages, les récits les plus curieux des vieux chroniqueurs bolonais sur les amours, les intrigues, et autres exploits de la belle Christine de Northumberland. Excellente occasion pour essayer de nous représenter, à notre tour, en analysant et en comparant ces documens divers, ce que peut avoir été l’âme de l’une des grandes aventurières italiennes du XVIIe siècle.


Et, tout d’abord, on pourra s’étonner, comme s’en étonnaient déjà les contemporains, qu’une jeune fille aussi merveilleusement douée, et presque de sang royal, ait consenti à épouser un homme d’honnête naissance, à coup sûr, mais fort au-dessous d’elle en toute façon. C’est que la petite Christine, lorsque André Paleotti l’a rencontrée à Florence, en 1663, avait déjà une « tache, » et qui ne lui permettait guère d’aspirer à un mariage plus digne de son rang. A Rome, l’année précédente, à peine âgée de treize ans, elle s’était laissé séduire par le connétable Colonna, le mari de la fameuse Marie Mancini. Un enfant était né de cette première aventure, une petite fille, que le père avait gardée près de lui, à Rome. Et le duc de Northumberland avait été trop heureux que le marquis Paleotti, en considération des charmes de sa fille, voulût bien oublier un accident que, d’ailleurs, on était très suffisamment parvenu à tenir secret.

Le fait est que Christine, elle-même, parait avoir été sincèrement reconnaissante à son mari, et s’être longtemps efforcée de lui plaire. De