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construction logique des terrains que le botaniste à la flore dont ils sont parés. Tout y est à sa vraie place, san9 contresens, ni anachronisme. Constable pensait que, dans la merveilleuse richesse des élémens pittoresques offerts au paysagiste, la réalité est toujours plus intéressante, plus expressive que les inventions de l’imagination humaine. C’est en dégageant sa beauté, en l’exaltant par le choix de ces élémens et par les liens qui les unissent entre eux que l’art doit atteindre la poésie.

En même temps qu’une connaissance plus intime de la nature, Constable acquérait aussi une connaissance plus complète des œuvres des différens peintres qu’il avait pu étudier dans les collections anglaises. Son goût instinctif ainsi guidé et développé était devenu très sûr. Dès que ses moyens le lui avaient permis, il avait même acheté un certain nombre de tableaux anciens dont il aimait à être entouré. Les noms des maîtres qui composaient cette petite galerie : Ruysdaël, Everdingen, van Goyen, Wynants, Wilson, Guardi, etc., témoignent assez de l’impartialité de celui qui l’avait réunie. À côté de ces originaux, figuraient des copies faites par lui d’après Claude, Rubens et Ruysdaël. Sans se préoccuper des opinions reçues, il admirait le talent partout où il le rencontrait. Il avait une prédilection pour Watteau et il écrivait à son ami Leslie, qui copiait une de ses œuvres : « Soyez satisfait si vous pouvez seulement atteindre la bordure de son vêtement. » Un tableau de Gainsborough qu’il avait vu à Petworth lui faisait venir les larmes aux yeux : « Qu’avait-il donc de particulier ? disait-il. Rien assurément ; mais l’artiste avait voulu rendre un beau sentiment et il y avait réussi. » Son prédécesseur, Wilson, le touchent par son amour de la nature et son courage à supporter les difficultés de sa vie. En 1823, à la suite d’une visite faite à la collection de sir John Leicester, il écrivait : « Je ne me rappelle rien de plus large, de plus solennel, de plus profond que le frais paysage de Wilson, dont le souvenir flotte toujours dans mon esprit comme un songe délicieux. Pauvre Wilson ! Je pense souvent à sa destinée et à son talent ! »

Incapable d’un mouvement de jalousie, il jugeait les œuvres de ses confrères avec une sympathie bienveillante, même celles pour lesquelles le caractère de son talent aurait pu lui inspirer quelque prévention. En 1828, à l’Exposition de la Royal Academy, où Turner était déjà représenté par quelques-unes de ses