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la présence de sa fiancée l’intimidait moins cependant que celle du Roi, dont la tendresse rayonnante se manifestait si bruyamment que, s’il eût été plus jeune, on aurait pu croire que c’était lui qui était le fiancé. Plus encore que le jeune prince, n’en avait-il pas tenu la place pendant ces longues fiançailles ?

Une heure plus tard, les gens restés au château entendirent sa voix retentir sous les vieilles voûtes de l’ancienne demeure des ducs de Courlande.

— La voilà ! la voilà ! criait-il.

Tous accoururent et ils furent admis à offrir leurs hommages à la nouvelle venue qui, dans ce morne exil, allait faire fleurir un peu de bonheur. Le pressentiment qu’en avait le Roi explique la joie qui débordait de son regard et de son cœur. Après quatre années d’attente, il voyait enfin ses efforts couronnés et ses vœux les plus ardens réalisés. Il avait voulu se donner une fille ; il la possédait ; et combien digne de son amour !

Le mariage fut célébré le 10 juin dans la chapelle du palais, en présence de tous les Français présens à Mitau, des personnages officiels russes et des délégués de la noblesse de Courlande. Le cardinal de Montmorency, grand aumônier de la Cour, officiait, assisté des abbés Edgeworth et Marie, aumôniers ordinaires. La veille, dans le cabinet du Roi, à huit heures du soir, avait été signé le contrat, contrat laconique, contrat d’exil qui ajournait à des temps plus heureux la constitution de l’apport des époux. Le comte de Saint-Priest en donna lecture. « Lorsqu’il prononça le nom de Louis XVI et de la feue Reine, Madame Thérèse éprouva une vive émotion qui fut remarquée, mais qu’elle surmonta promptement. » Le même jour était arrivé un envoyé de Paul Ier lui apportant un collier en brillans et une lettre. « Vos malheurs, vos vertus et votre courage héroïque, lui disait le Tsar, vous assurent à jamais l’estime et l’intérêt de tous les êtres bien pensans et sensibles. Soyez heureuse au sein de votre famille qui vous chérit et ne quittez mes États que pour entrer en France et n’y voir que le repentir d’une nation qui pleure les crimes des scélérats qu’elle a eu le malheur de produire. » Le Tsar avait en outre accepté de signer au contrat et d’en recevoir le dépôt dans les Archives de l’Empire.

Après la cérémonie religieuse, le Roi annonça officiellement le mariage à toutes les Cours et aux membres de sa famille.