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j’espère que le sentiment a vaincu ce que la raison aurait peut-être eu bien de la peine à vaincre. Voilà où nous en sommes. Vous voyez qu’on peut espérer une heureuse conversion, d’autant plus que je sais par l’excellent abbé Marie que la chose est en bon train. »

A quelques semaines de là, arriva la réponse du Comte d’Artois exprimant le même espoir. « J’ai encore besoin, mon cher frère, de vous parler de ma vive et sensible reconnaissance pour les soins que vous prenez de mon fils. Ses principes ont toujours été bons et purs, et il revenait facilement des erreurs qui pouvaient entrer dans sa tête. Mais les Anglais les plus honnêtes ont tous plus ou moins des idées de liberté presque indéfinie, qui sont toujours la base de leurs conversations, et mon fils étant obligé par ; politesse, et même pour notre intérêt, de vivre beaucoup avec eux, j’avais remarqué et combattu des opinions fausses qui se glissaient de temps en temps dans son esprit. Je n’en étais pas effrayé par la connaissance que j’avais de son caractère ; mais son éloignement de ce pays-ci et l’excellente leçon que votre tendresse pour lui vous a engagé à lui donner, vont dissiper entièrement ces nuages d’erreurs, et je crois pouvoir répondre qu’il sentira avec force ce que ses destinées exigent de lui. Continuez, je vous prie, comme vous avez commencé. Le bon abbé Marie vous secondera de tous ses moyens, et vous achèverez de détruire des enfantillages qui auraient pu à la longue présenter quelques dangers. Cet enfant est à vous autant qu’à moi, et nous jouirons ensemble de votre ouvrage. »

Lorsque, au mois de septembre, trois mois après sa tentative, le Roi prit connaissance des affectueuses explications de son frère, il était contraint de reconnaître que tous deux s’étaient fait illusion quant à la rapidité de la conversion du jeune homme. C’est alors que Louis XVIII écrivit : Les Devoirs d’un Roi sous forme de lettre adressée à son neveu, animé du double désir de combattre sa paresse et ses opinions politiques. Dans cet écrit, il abordait l’examen des obligations auxquelles sont tenus les monarques envers Dieu et envers leurs sujets ; il blâmait chez eux le goût des plaisirs, l’excès des sévérités non moins dangereux que celui des faiblesses ; il recommandait à son héritier le respect des arrêts de justice et des droits de la nation, la fidélité à la parole donnée ; il le mettait en garde contre le