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Angleterre ; autant dire qu’il professait la même doctrine que ces royalistes désignés sous le nom méprisé de « monarchiens, » et qu’à Coblenlz déjà on déclarait plus dangereux que les Jacobins. Cette découverte surprit et affligea le Roi. Mais son regret fut atténué par cette pensée que l’erreur déplorable dans laquelle était tombé son neveu prouvait du moins qu’il était capable d’étudier et de réfléchir. Il fit part de sa découverte à son frère, en lui annonçant qu’il allait s’attacher à ramener « le jeune homme » à des opinions plus sages. Mais d’Avaray prit la chose plus au tragique. Il écrivit lui aussi au Comte d’Artois et, après lui avoir exprimé ses alarmes, il reproduisait trois questions que le Duc d’Angoulême avait osé poser au Roi.

« — S’il s’élevait dans le gouvernement républicain, avait-il demandé, un parti assez puissant pour traiter avec le Roi et inspirer quelque confiance, pourrait-on, devrait-on commencer par renoncer au renversement absolu de notre ancienne constitution ? Si l’on exigeait du Roi le sacrifice d’une grande partie des prérogatives royales et des trois anciens ordres et que ce double sacrifice fût présenté comme indispensable pour le rétablissement de la monarchie, le Roi refuserait-il absolument d’y souscrire ? Des temps moins orageux ne permettraient-ils pas d’assembler la nation et de la consulter sur son vœu relativement à la Constitution qui lui serait la plus avantageuse ? »

Ces questions avaient fait bondir d’Avaray. Il déplorait « les habitudes anglaises du jeune prince, l’esprit de système par lequel sa raison s’est laissé séduire. » Il gémissait de le voir constamment occupé par un plan de constitution, qu’il amendait et corrigeait sans cesse. « Où s’arrêtera-t-il dans cette carrière qui devient ridicule quand elle cesse d’être sanglante ? Combien n’est-il pas effrayant de voir l’héritier du trône agiter de pareilles matières ? Est-ce donc une tête royale qui doit s’incliner d’elle-même devant un joug que personne ne cherche à lui imposer ? Est-ce à celui qui doit porter un jour la couronne qu’il convient d’en briser d’avance les fleurons ? »

Le Roi cependant entreprit la conversion de son neveu et rendit compte à son frère de sa première tentative. « …Je vous ai mandé que j’allais entreprendre une grande besogne : j’avoue que je ne l’ai pas entreprise sans quelque inquiétude, d’autant plus que je ne pouvais douter que le papier que j’avais remis dès l’année passée à notre enfant et qui contenait tout le fond de