Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/402

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus grande, et dans la circonstance, bénéficier de l’attachement que ces personnes avaient eu pour Mme de Polignac, « cette victime de son dévouement à la Reine. »

Le Roi ne se laissa pas démonter par cette argumentation. Il ne pensait pas que le souverain dût hériter des sentimens privés comme de la couronne ; il croyait surtout qu’il est sage de peser l’opinion publique pour lui résister de tout son pouvoir si elle est injuste, pour y céder, si elle est bien fondée.

«… Vous regardez la duchesse de Polignac comme une victime de son dévouement à la malheureuse Reine ; le public n’en pense pas de même. Demandez-lui qui a été victime de son dévouement ? Il répondra : la princesse de Lamballe. La duchesse de Polignac, dont peu de gens connaissent les très bonnes qualités, parce que peu de gens ont été à portée d’en juger, passe, pardonnez-moi, mon cher frère, cette pénible assertion, pour avoir été une des causes de la Révolution, par l’immense quantité de grâces qui ont été accumulées sur elle, sa famille et ses amis, et par l’influence exercée sur les opérations du gouvernement, à une époque qui touchait de si près celle de nos désastres. Cette opinion est fâcheuse, peut-être même exagérée, mais elle serait difficile à détruire, d’autant plus qu’il le serait de la réfuter. J’appellerais y céder lâchement, d’enlever à la famille et aux amis de la duchesse de Polignac les grâces dont ils jouissent, et qui pourront survivre au bouleversement général ; je suis loin d’être de cette humeur ; et vous devez vous rappeler ce que je vous ai mandé, il y a déjà assez longtemps, au sujet du cordon bleu. Mais aussi, ce serait la braver imprudemment, que de leur accorder de nouvelles grâces, et de prêter à dire que la Restauration ramènerait les anciens abus, et que l’on verrait encore les mêmes personnes réunir toutes les grâces, etc., et cela dans un moment surtout où nous sommes à peu près hors d’état d’en faire à personne. »

Cette fois, le Comte d’Artois céda. La soumission lui fut rendue facile par la nouvelle, reçue au cours de ce débat, de la prochaine arrivée de la duchesse de Sérent auprès de Madame Royale. Elle était prête à se mettre en route pour la rejoindre là où les ordres du Roi lui enjoindraient d’aller. Louis XVIII s’empressa de l’annoncer à sa nièce qui lui avait demandé à réfléchir avant de se prononcer sur un nom ou sur un autre.

«… Vous avez raison de prendre du temps pour réfléchir au