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confiance en moi, et surtout de sa tendresse pour vous, pour en pouvoir douter. Je me trouve, en ce moment, comme votre père, l’intermédiaire entre vous deux : ce rôle m’est bien doux à remplir : mais il me tarde de le quitter. »

Avant que le Roi eût été en situation de donner à sa nièce cette marque de confiance, il avait reçu de son frère la liste des personnes que celui-ci proposait à son agrément. Cette liste était longue. On eût dit que le Comte d’Artois, en la dressant, avait oublié que la famille royale vivait dans l’exil, que le Roi, dépourvu de ressources, était obligé d’aller à l’économie, et qu’il était bien impossible de donner à la Duchesse d’Angoulême une maison nombreuse et fastueuse. Comme dame d’honneur, et à défaut de Mme d’Hautefort à laquelle il semblait bien qu’on dût renoncer, il proposait la duchesse de Sérent, femme de l’ancien gouverneur du Duc d’Angoulême, dont les fils avaient péri en Vendée. La duchesse était rentrée en France après la chute de Robespierre ; elle s’y trouvait encore.

« Mais, si elle se déterminait à sortir, je n’en désirerais pas d’autre, répondait le Roi à son frère. Femme de beaucoup d’esprit et de mérite, Montmorency, femme du duc de Sérent, dame d’atours et amie de l’ange que nous pleurons, lui ayant donné jusqu’à la fin des preuves d’attachement avec un courage digne du maréchal de Luxembourg, mère de deux fils qu’elle a perdus et de filles qui heureusement lui restent, que de titres ! que d’avantages ! que de convenances ! Je ne veux pas y arrêter ma pensée, car je hais le désappointement. Si Mme d’Hautefort nous manquait, et que ceci ne se fît pas, je voudrais la princesse de Rohan ou la princesse de Chalais. Qu’en pensez-vous ? »

Il approuvait de même les choix masculins et particulièrement celui de M. de la Charce ou de M. de Durfort. « Je n’ai connu le premier qu’enfant. Son père vous est attaché depuis vingt-cinq ans ; sa mère s’est toujours parfaitement conduite auprès de Mme la Duchesse d’Orléans. Le second s’est fort distingué dans cette guerre et s’est acquis un excellent renom. »

Pour les autres noms féminins portés sur la liste du Comte d’Artois, outre qu’il en blâmait l’abondance, il les désapprouvait en partie, deux surtout, encore qu’un nom illustre et glorieux les justifiât en apparence.

« Quant aux autres dames, je dis pour accompagner, car il ne nous faut qu’un honneur, il n’est pas nécessaire d’en nommer