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« Mais si je vous confie mes inquiétudes, je dois vous ajouter sur-le-champ que rien ne peut détruire, ni même altérer la solidité de mes espérances, puisqu’elles sont fondées sur la sensibilité de votre cœur, et sur le courage de votre âme. Le sang qui coule dans vos veines et la fermeté modeste dont vous avez déjà donné des preuves, me répondent que votre noble fierté ne sera jamais ébranlée. Les volontés dernières et sacrées de votre père et de votre mère sont et seront sans cesse présentes à votre souvenir ; elles dirigeront votre conduite, elles ajouteront encore à votre énergie naturelle et, en accomplissant un devoir vraiment religieux, vous éprouverez ce charme intérieur qui est toujours accordé, par la Providence, aux âmes pures et sensibles.

« Je forme les vœux les plus ardens pour que la conduite de l’Empereur, dans cette circonstance, ajoute encore à la juste reconnaissance que je dois aux marques d’attention et d’amitié que vous avez reçues de sa part et de celle de sa famille, depuis votre séjour à Vienne ; mais si les manœuvres perfides de nos ennemis nous réduisaient à l’extrémité que j’ai dû prévoir, je sens que le bonheur précieux de vous nommer ma fille acquerrait encore un nouveau charme à mes yeux, en pensant que je le dois uniquement à l’enfant d’un frère et d’une sœur que j’aimais si tendrement, à la nièce chérie de cet ange que je pleurerai toute ma vie, et que mon fils serait redevable de sa félicité à la courageuse énergie de celle qui lui est destinée pour compagne.

« D’après ce que je viens de dire, ma chère nièce, jugez vous-même quelle est l’étendue de ma tendresse pour vous ; combien il m’est nécessaire de hâter le moment où je pourrai vous serrer dans mes bras et combien j’attacherai de bonheur à m’efforcer de remplacer près de vous les êtres si chers et si précieux dont le ciel nous a privés.

« Le fidèle Cléry, qui vous remettra ma lettre, est chargé en même temps de vous porter le portrait que vous êtes assez aimable pour désirer. Je connais trop bien vos bontés pour ce loyal et courageux serviteur, pour vous le recommander de nouveau : mais je vous ajoute avec plaisir que je le crois personnellement très digne de votre confiance.

« Adieu, ma bien chère nièce, ma chère enfant. Tous les sentimens que vous m’inspirez dureront autant que mon