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Quelques jours plus tard, La Fare écrivait de nouveau : «… J’aurais désiré que, dans cette circonstance, il eût été praticable de renouveler la méthode si souvent usitée entre les personnes royales, de se marier par procureur. Cette mesure décide l’union et rassure l’imagination contre la crainte des événemens. Ce n’est pas que je croie que, dans le cas présent, il soit permis d’en concevoir. Le caractère religieux et moral de Madame Thérèse, sa volonté prononcée et la constance de ses résolutions sont des garans irréfragables. Avec eux il faut s’abandonner avec confiance aux délais inévitables, que la saison aussi bien que le cours naturel de la négociation entraînent. M. l’ambassadeur de Russie ne croit pas devoir calculer, avant la fin de l’hiver, la conclusion de tous les arrangemens à prendre. Les motifs de son calcul sont la distance extrême des lieux, l’obligation de référer de toutes ses démarches à son souverain, et la nécessité de concorder ensemble les deux cours impériales pour le départ et le voyage de Madame Thérèse. La détermination de la Princesse s’est appuyée sur ce calcul ainsi que sur l’inconvénient du froid et des mauvais gîtes pendant une route aussi longue. Mais, à coup sûr, cette dernière considération affecte moins Madame pour elle-même que pour les personnes qui l’accompagneront. Ajoutez à ces motifs l’opinion où est M. l’ambassadeur de Russie que Madame ne doit partir qu’après la conclusion définitive des arrangemens relatifs aux fonds qui lui appartiennent. Ainsi le délai du départ de Madame Thérèse est devenu, par le concours des circonstances, un malheur inévitable. Il est à regretter que la cour de Russie n’ait pas pu commencer deux mois plus tôt ses démarches ici. »

En dépit des lenteurs que laissait prévoir La Fare, le Roi, constatant l’accord des deux cours impériales et que tous les consentemens étaient donnés, considéra l’affaire comme définitivement terminée. La correspondance qui partit de Mitau le 11 septembre fut volumineuse. Le Roi avait écrit à la Reine sa femme, au Comte et à la Comtesse d’Artois, à ses tantes Mesdames Adélaïde et Victoire, à sa sœur la reine de Sardaigne, à la reine de Naples, au roi et à la reine d’Espagne, au prince de Condé, au Duc de Berry, à ses agens de France et du dehors et enfin au Pape. Il leur annonçait à tous que toutes les difficultés étaient levées « grâce à l’amitié de l’empereur de Russie et à la bonne volonté de celui d’Allemagne ; » et il les invitait à s’en réjouir avec lui.