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lui, le mariage de Madame Royale. Cette confiance du Roi, un avenir prochain allait la justifier. Il était arrivé à Mitau le 25 mars. Dès le 24 juillet, la négociation commençait à prendre une si heureuse tournure qu’il invitait le maréchal de Castries à se tenir prêt à aller chercher Madame Royale à Vienne pour la lui amener ; le 31 août, il lui réitérait l’invitation en le prévenant que la Reine, qui résidait encore à Budweiss en Bohême viendrait à Mitau en même temps que la Princesse et qu’il les confiait l’une et l’autre à sa garde pendant ce long voyage. Il était alors convenu que toutes deux garderaient l’incognito. « Vous recevrez de Vienne une lettre que j’y ai envoyée avec ordre à l’évêque de Nancy de vous la faire passer dès que l’affaire sera décidée. »

Au commencement de septembre, un avis de La Fare vint modifier ce projet : « Madame Thérèse est dans la résolution de se conformer aux volontés du Roi son oncle ; la Cour impériale ne veut y mettre aucun obstacle et toutes les difficultés paraissent devoir se concilier très amiablement. J’ai lieu de croire que l’Empereur voudra que Madame soit reconduite à la frontière extrême de ses États à ses frais et à peu près de la même manière dont elle a été amenée de Bâle à Vienne. Cette hypothèse devra naturellement changer le premier plan de voyage incognito. » Dans la même lettre, La Fare demandait pour Madame Royale un double portrait du Duc d’Angoulême, « un portrait en peinture et un portrait moral. »

En attendant « le portrait en peinture, » le Roi commence par envoyer « le portrait moral. » — « Il y a aujourd’hui un an que mon neveu est auprès de moi ; je l’ai bien étudié, et j’ose croire qu’il est digne de l’épouse que la Providence lui destine d’une façon si visible. Son cœur est droit et pur ; il a été assez heureux pour conserver sa religion intacte au milieu d’un siècle bien corrompu. Son âme est sensible : j’en ai la preuve par les soins qu’il vient de me rendre pendant mon incommodité. Son caractère est courageux et doux ; son humeur est égale. Je ne le vante pas de la fermeté avec laquelle il a soutenu son accident de l’année dernière ; c’est une chose toute simple ; mais le traitement a été ennuyeux et long. Le voyage, que nous venons de faire, ne l’a pas été moins, et, dans ces deux périodes de temps, je n’ai pas découvert en lui le moindre mouvement, je ne dirai pas d’humeur, mais même d’impatience. »