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toujours des bas de soie même avec ses bottes, à cet effet richement doublées. Il ne quittait guère l’uniforme de colonel des chasseurs de la Garde, sauf dans les chasses à tir ou à courre où il prenait la tenue de rigueur, mais toujours avec la redingote grise comme pardessus. Il fallait les plus grandes cérémonies pour qu’il endossât le costume impérial. Il était resté fidèle à son petit chapeau, et le prince de Neuchâtel[1] seul avait le privilège d’en porter un semblable. La Cour était toute militaire. Quand il exigea que les maréchaux et généraux missent en dehors du service de riches habits brodés et des dentelles, beaucoup s’y trouvèrent fort empruntés. Berthier fit même faire son uniforme de connétable en velours sans broderies. J’ai entendu l’Empereur dire à Mme la duchesse de Montebello qui s’étonnait de cette étiquette : « Madame, sous une monarchie, il doit y avoir des situations indépendantes du grade ou de la fortune. Ainsi, votre fils sera duc de Montebello, et, comme tel, il aura ses entrées à la salle du trône, fût-il colonel ou même capitaine, tandis que les capitaines ne pourront pas venir à la Cour et que les colonels ne passeront pas la Salle des Maréchaux. Vous voyez donc qu’il faut autre chose qu’un uniforme, puisqu’il y a des rangs spéciaux. » Les princes-cardinaux, les grands aigles, les ducs, les maréchaux, les grands officiers, le service d’honneur, les ambassadeurs entraient dans la Salle du Trône. Les sénateurs, les conseillers d’État, les généraux de division, les maisons de l’Empereur et des princes, les ministres plénipotentiaires, les premiers présidons des cours de justice, entraient dans la Salle de la Paix. Les députés, les généraux de brigade, les préfets, l’Institut, les maires des trente-six bonnes villes de France, entraient dans le Salon bleu. Tout le reste s’arrêtait à la Salle des Maréchaux.

Chaque dimanche, en allant à la messe, l’Empereur, précédé de sa maison, passait tout droit ; en revenant, il s’arrêtait sur tout le trajet, et parlait à l’un ou à l’autre selon qu’il voulait récompenser ou punir. Un jour, à Saint-Cloud, il avise un colonel qui, soumis à l’inspection du général Charles de Lameth rappelé récemment au service, l’avait traité avec une légèreté presque insolente. « C’est vous, monsieur, lui dit-il, qui vous permettez de juger mes actes, de contrôler mes choix et de désobéir à votre

  1. Le maréchal Berthier.