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cause : quand je les aurai en poche, qu’il aille au diable, « n’en ai nul souci ! » M. Siméon me serra la main en me montrant les grands seigneurs du pays qui écoutaient ce langage : « Voilà ! me dit-il ; si je vous avais prévenu, vous auriez refusé de me croire ! » Effectivement, je rendis compte de tout cela à l’Empereur, et ce fut l’origine de la disgrâce du général lorsqu’il accompagna le Roi à Paris pour le baptême.

Je revins charmé de reprendre mon service, et je ne l’interrompis qu’une semaine pour aller, avec M. de Narbonme, voir ma femme et mon père que je trouvai baissé, mais sans inspirer d’inquiétudes prochaines ; autrement rien ne m’eût décidé à le quitter. Nous fîmes le voyage en trente-six heures, à l’aller comme au retour. Puis eut lieu le baptême. J’étais de jour auprès de l’Empereur. Quand il prit son fils dans ses bras pour le montrer au peuple, chacun disait : « Les propriétaires ont gagné leur procès ! » et, sous ces mêmes voûtes où, neuf années plus tôt, il avait restauré le culte, où, deux années après, il avait reçu l’onction sainte, tous croyaient aux promesses de l’avenir. Moi aussi je me rappelais ces augustes cérémonies auxquelles j’avais assisté, comme je devais assister à tant d’autres, toutes aussi éphémères. Les fêtes du baptême furent aussi belles que celles du mariage, celle surtout de la princesse Pauline et celle du parc de Saint-Cloud. Ensuite, nous partîmes pour Rambouillet où la Cour passa quelques jours afin de se préparer au voyage de Cherbourg.

J’étais seul de service auprès de Sa Majesté, avec le général comte de Lobau comme aide de camp. C’est de cette époque que date notre amitié. Nous avons passé trois ans ensemble. Il était froid, sec, mais bon, et nous n’avons jamais eu la moindre difficulté. MM. de Courtemer et de Beauvau étaient avec l’Impératrice ainsi que Mme de Montebello, Aldobrandini, de Périgord, de Beauvau, de Canouville ; puis MM. de Saint-Aignan, de Mesgrigny, d’Oudenarde comme écuyers, enfin le prince de Beauharnais, le prince Aldobrandini, le général de Nansouty. Nous fîmes soixante lieues pour arriver à Caen le même jour. Il avait été question de loger à Courtemer, qui est un beau château ; mais mon pauvre cousin Courtemer, craignant l’embarras ou les dégâts, mit plus de soin à esquiver cette faveur que d’autres à l’obtenir. Il assura au Grand Maréchal que le château de Lillers à Tubeuf serait plus commode ; or, quand nous y arrivâmes, il