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je me prononçai sans réserve pour l’Empereur. On m’en fit des reproches. — « Que voulez-vous, répondis-je, mon père m’a laissé un habit de velours ; ce n’est pas sa faute, s’il est usé. Je prends un habit de drap, celui de mon temps. » Je fus nommé à la presque-unanimité du Collège au moment même où l’Empereur me nommait chambellan, sans que ces circonstances eussent pu influer l’une sur l’autre. Ma charge m’obligeait à partir, et pour longtemps. J’aurais vivement désiré emmener ma jeune femme ; mais comment laisser mon père seul, à son âge, après tant de sacrifices faits pour moi, sans parler de dérangemens de fortune qui exigeaient une administration sévère ? Adélaïde se dévoua donc à cette tâche avec courage et tendresse. Grâce à elle, les derniers jours de mon père ont été doux, mon devoir rempli, et bien des affaires garanties.

Mes débuts auprès de l’Empereur furent heureux. Le divorce était consommé. Je regrettai cette bonne protectrice qui m’avait souri dans sa prospérité, et dont le fils avait été bon camarade quand nous nous étions rencontrés à Paris dans notre première jeunesse. L’hiver fut très brillant. Quatre ou cinq fois par semaine, l’Empereur venait passer la soirée chez la princesse Pauline. Comme il voulait du mouvement et de la gaieté, je fus du petit nombre des personnes de sa maison choisies pour ces réunions avec Just de Noailles, Marmier, Sainte-Aulaire, Lagrange, etc., ce qui nous mit plus souvent sous ses yeux. Il était alors fort occupé d’une dame d’honneur de la princesse, Mme Mathis, fille du sénateur Guinimi, maire d’Alexandrie. C’est dans le temps de ces bals et divertissemens que fut donné le ballet des échecs chez M. de Marescalchi, ministre d’Italie. L’Empereur était déguisé en nègre et marchait devant le quadrille en sonnant d’une sorte de trompe. Les deux reines, Mme de Bassano et de Barral, resplendissaient de pierreries. Pour moi, j’étais le cavalier de Mme Pellapra, à qui j’avais fait faire un costume de paysanne mâconnaise et dont l’éblouissante beauté attira vite les regards de l’Empereur. Bausset se chargea de tout. Sa fortune partit d’un bal et d’un déguisement, mais son dévouement à Napoléon ne se démentit jamais, même pendant les Cent-Jours.

Peu après eut lieu le mariage de l’Empereur. J’étais de service extraordinaire auprès de lui. Ainsi, j’assistai à sa réception sous l’Arc de triomphe de l’Étoile, figuré en charpente et en toile tel qu’il existe aujourd’hui, et, par une étrange