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28 847 984, c’est-à-dire, en fait, de la totalité du pays. Mais quelles différences entre ces 161 482 propriétaires ! Si on analyse ce bloc, dei catégorie en catégorie suivant la contenance des domaines (les détails de cette opération sont ici inutiles), on aboutit en définitive aux conclusions suivantes :

1° Parmi les 161 482 propriétaires, 5 774 seulement possèdent ensemble 18 millions d’hectares (sur 28 847 106), c’est-à-dire 62 pour 100 du territoire ;

2° Parmi ces derniers, 2 184, possédant chacun plus de 2 000 hectares, possèdent ensemble 15 550 408 hectares, — soit en chiffre rond 54 pour 100 du territoire, — plus de la moitié !

3° Parmi ces derniers enfin, 421 seulement possèdent ensemble 9 153 302 hectares, — soit en chiffres ronds 32 pour 100, — près du tiers ! Tel propriétaire, comme le duc de Northumberland, possède à lui seul 72 646 hectares ; le duc d’Argyli 70 000 hectares ; le duc de Buccleugh et de Queensburry 185 000 hectares ; le duc de Sutherland 483 398 hectares (plus que le département de la Loire, du Rhône, des Hautes-Pyrénées, etc.). Pour saisir toute la portée économique et sociale de ces chiffres, il faut en rapprocher immédiatement les chiffres analogues en France. Nous n’avons point sans doute de document officiel pareil au New Domesday-Book en ce qui concerne les propriétaires individuellement considérés ; mais les états publiés par nos contributions directes sur les cotes foncières de la propriété non bâtie nous permettent de constater la réalité assez exactement pour que l’on aperçoive l’abîme séparant les deux sociétés au point de vue économique.

Nos 49 millions d’hectares de contenance imposable (exactement 49 388 542) se répartissent en 13 536 730 feuilles d’imposition qu’on appelle dans le langage technique des cotes. Si chaque propriétaire était inscrit sur une seule cote pour toutes les terres qu’il peut posséder, M. de La Palisse eût dit qu’il y aurait autant de propriétaires que de cotes. Il n’en est pas ainsi. Si vous possédez dans deux communes, vous avez deux cotes ; si vous possédez dans trois communes, vous avez trois cotes ; si vous possédez à Paris vingt maisons, une dans chaque arrondissement, vous avez vingt cotes (en ne supposant qu’un percepteur par arrondissement). De là un nombre de propriétaires inférieur au nombre des cotes. De combien ? C’est le problème.

J’ai tenté jadis de le faire résoudre à l’aide de certains travaux