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Angleterre (chiffres de 1902) 6 891 093 électeurs sur 41 748 000 habitans, soit 1 électeur par 6 habitans. Mais il reste environ 4 720 000 hommes qui ne sont pas électeurs (et qui le seraient avec notre régime électoral). Les Chambres qui fixent l’income-tax sont donc par leur origine, par leur constitution essentielle, l’expression de citoyens qui sont tous, plus ou moins, à divers titres, contribuables ; les non-contribuables, en tout cas, n’y figurent pas et surtout n’y figurent pas en tel nombre qu’ils y soient les maîtres et qu’ils puissent imposer par la force à la minorité payante une rançon de guerre sociale. En Angleterre, l’income-tax est donc, en résumé, librement consentie, ou prélevée par ceux qui la payent ; elle est un impôt et non un tribut.

Je n’ai pas besoin de démontrer que l’impôt sur le revenu, qui deviendrait aussitôt progressif, serait, en France, exclusivement dans les mains de ceux qui n’en supporteraient pas un centime[1].


Ce n’est pas tout encore : la composition sociale, la contexture économique pour ainsi dire de la nation anglaise est telle qu’elle peut expliquer — sinon justifier — l’income-tax ; tandis que ce genre d’impôt serait pour le corps social français une substance inassimilable. Sans être un impôt sur le revenu, ni un impôt personnel proprement dit (excepté dans la cédule D, équivalent à notre patente et dans la cédule E, sur les salaires), l’income-tax exige néanmoins un ensemble de mesures inquisitoriales qui la rendrait absolument inapplicable et insupportable si elle frappait un grand nombre de citoyens. Pour être établie dans la seule cédule A par exemple, (celle qui correspond à notre impôt foncier sur la propriété bâtie et non bâtie), l’income-tax comporte une série de formalités, de recherches qui nécessiterait des centaines de milliers de fonctionnaires dans un pays comme la France (il en est de même, au reste, pour la cédule D) ; mais la répartition de la propriété immobilière, — non bâtie, notamment, — rend l’opération facile.

Quelle est en effet cette répartition ? Elle suffit pour expliquer l’income-tax et pour faire toucher du doigt comment elle serait impossible en France.

Les Anglais possèdent un état officiel détaillé et nominatif

  1. Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1904.