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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 décembre.


Chaque jour apporte un contingent nouveau au dossier de la délation. Il semble que le réservoir où puise M. Guyot de Villeneuve soit intarissable, et qu’il n’y ait pas dans l’armée française un seul officier qui n’ait eu sa fiche individuelle au Grand Orient de France. Les révélations que les journaux continuent de faire, à ce sujet, tous les matins entretiennent dans l’opinion un sentiment de révolte et de dégoût, qui prend un caractère encore plus vif lorsque certaines personnes, dont la vie aurait dû être particulièrement respectée, se trouvent atteintes ou visées. M. le président de la République, bien plus ! Mme  Loubet ont été dénoncés, celle-ci comme « très cléricale » et celui-là comme vivant dans un milieu fort suspect. Nous n’aurons pas la naïveté de nous étonner que la délation n’ait pas plus ménagé M. le président de la République, ni sa famille, ni sa maison militaire, que les autres citoyens. Mais les impressions de la foule sont différentes. Quand on a vu que le chef de l’État et les siens n’étaient pas à l’abri, on a compris que nous vivions décidément, suivant l’expression de M. Ribot, dans une « atmosphère empestée, » où nous sommes tous plongés, les uns comme dénonciateurs, les autres comme dénoncés, et l’incident a été porté à la tribune sous forme d’interpellation.

M. Adrien de Montebello, qui s’est chargé de cette tâche, s’en est acquitté avec précision, avec mesure, avec vigueur, avec éloquence. Il a interrogé M. le ministre de la Guerre sur les sanctions données à l’ordre du jour qui a condamné la délation, et sans doute aussi les délateurs. La Chambre s’en était remise au ministère du soin de prendre les mesures d’assainissement indispensables. Qu’a fait depuis