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Pas même un livre usé que j’aime et je manie
Ne fut à vous ;
Et l’île où vous jouiez à Paul et Virginie
Sous les bambous,

Si je pouvais la voir splendide et différente
En aucun lieu
Je ne retrouverais votre mémoire errante
Dans l’air trop bleu.

Sous quel oubli profond, lointain et solitaire
Gît votre cœur,
Ce cœur qui m’a légué sa flamme héréditaire,
Et sa langueur ;

Ce cœur qui verse en moi quelques gouttes rougies
D’un sang vermeil,
Et qui m’aurait transmis toutes vos nostalgies
Loin du soleil,

Si je n’évoquais pas les beautés éternelles
D’un ciel brûlant
Du fond magique et noir de tes larges prunelles
O mon enfant !


SUR UNE BAGUE


Opale ! qui changez tout autant que mon âme,
Qui dans votre pâleur recelez une flamme
Éclatante, ainsi que dans son ciel gris et bleu
L’aube pâle dérobe un soleil tout en feu,
Opale ! qui semblez à mon doigt qui vous aime
Une larme de fée ou bien mon cœur lui-même,
Opale ! si j’étais fille d’un ancien roi
Je voudrais qu’en ma tombe on vous cache avec moi.
Là, l’or qui vous sertit verdirait sous la terre,
Et des siècles plus tard, avec un grand mystère,
On rouvrirait au jour mon cercueil embaumé
Où sur vous dans la mort mon doigt s’était fermé.