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présens ! A Mgr le duc de Chartres ! A la reine de France ! A M. Du Chaffault ! A M. le marquis de La Fayette ! A la marine et vaisseaux américains ! A toutes les femmes et filles qui ont perdu leurs maris et amans dans la bonne cause I A M. le duc de Choiseul ! A M. de Sartine ! A M. de Maurepas ! »

D’Estaing se plaignait d’être très mal au courant de ce qui se passait chez les Anglais. « La partie des espions, dit-il, est absolument inconnue, négligée, même dédaignée par les Américains. » Les nouvelles que Washington lui faisait passer avaient « toujours été tardives ou fausses. » On disait que les Anglais préparaient une grande expédition contre Boston. D’Estaing y croyait peu, dans la conviction, d’ailleurs justifiée, qu’ils faisaient passer des renforts aux Antilles. L’amiral Byron avait appareillé de Sandy Hook avec seize vaisseaux de ligne et une grande flotte de transports. D’Estaing l’attendit douze jours, sans le voir apparaître. Il devenait difficile de prolonger notre mouillage. Nous avions épuisé tout ce que le pays pouvait fournir de vivres, « il ne nous restait que l’indispensable nécessaire pour faire route. » A la fin d’octobre, on se prépara à partir, à destination des Antilles ; en quarante-huit heures, on remit à bord toute l’artillerie qui avait été débarquée pour les travaux de fortification. Le 2 novembre, un coup de vent très violent favorisa notre sortie ; les vaisseaux ennemis durent se réfugier sur Rhode Island et sur New-York.

Le 3 novembre, d’Estaing commença l’appareillage ; le lendemain, toute l’escadre était au large de Nantasket. La sortie ne s’était pas faite sans accidens. Le Zélé avait fortement touché ; le Protecteur et le Languedoc'' avaient failli se perdre. Le vaisseau amiral, dont la mature n’avait pu être qu’imparfaitement réparée, gouvernait mal. On finit cependant par prendre le large. Au bout d’un mois de traversée, le 9 décembre, l’escadre de d’Estaing jetait l’ancre à Fort-Royal, aujourd’hui Fort-de-France, à la Martinique.

Les jours d’épreuve n’étaient point finis pour d’Estaing. Après une laborieuse campagne aux Antilles, qui fut du moins marquée par la victoire de la Grenade, il devait réapparaître aux Etats-Unis pour les opérations infructueuses du siège de Savannah. Il rentrait à Brest le 7 décembre 1779 ; il avait tenu la mer pendant vingt mois moins six jours depuis son départ de Toulon.