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l’extension coloniale. Une de mes amies dont les fils se sont distingués aux Indes et en Afrique me disait bravement, en exprimant le désir qu’il y eût moins d’écoles d’art et plus d’écoles ménagères en Angleterre : « Au moins, celles-ci préparent les femmes à émigrer ; nos hommes partent ; qu’elles les suivent ! »

Et puis on revient au thème inépuisable des carrières féminines, et la question est, je dois le reconnaître, traitée avec beaucoup plus de sagesse que chez nous. Un pays qui a un million de femmes en trop est bien obligé de réfléchir aux moyens pratiques de procurer à ces isolées des moyens d’existence. Sans doute il y a la foule des authoresses ; sous ce rapport les Anglaises nous ont donné l’exemple, de même que les Anglais nous ont entraînés vers les sports ; mais des deux côtés les imitateurs semblent disposés à tomber dans l’exagération, au moment même où s’assagissent leurs modèles. De tous les romanciers du monde, Mrs Humphry Ward est peut-être celui qui gagne le plus ; on parle de sommes si énormes que je n’ose les transcrire de crainte d’erreur, et une douzaine de femmes telles que Mrs Margaret Woods, Mrs Craigie (John Oliver Hobbes), Lucas Mallet (Mrs Harrison, la fille de Charles Kingsley), tiennent un bon rang parmi les écrivains d’aujourd’hui. Mais, génie naturel à part, les préoccupations sociales ont poussé beaucoup d’intelligences hors du domaine purement littéraire et esthétique. C’est la profession de nurse, d’infirmière, qui fait fureur ; des femmes de haut rang deviennent nurses comme il en est qui deviennent chez nous sœurs de charité ; seulement le nombre des nurses est beaucoup plus grand.

J’ai déjà dit que l’enseignement, l’enseignement surtout appliqué aux misérables, avait plus d’adeptes féminins que jamais ; et les écoles professionnelles, sous de très hauts patronages, encouragent l’étude de la reliure, du vitrail, de la broderie décorative, de la sculpture sur bois, de la bijouterie d’art. William Morris et ceux de son école ont glorifié les arts mineurs auxquels, avec ou sans talent, se consacrent beaucoup de jeunes filles.

Je vais visiter dans l’antre, où elle dérobe aux regards ses opérations, comme jadis les vieux alchimistes, une de mes collé gués du Lyceum Club. Elle habite seule une sorte de joujou hollandais en brique et à pignon : trois chambres au