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en profitent est de sortir de la ville, de se répandre aux environs. Miss Dorothée Ward, présidente du Comité au Club des jeunes filles, avait donc engagé une cinquantaine d’ouvrières à venir visiter les jardins de Stocks, la belle propriété qu’elle habite avec sa famille près de l’ancienne petite ville de Tring.

Les invitées arrivèrent dans plusieurs chars à bancs qui étaient allés les prendre à la station, toutes en toilettes d’été assez fraîches et pimpantes, sans atteindre cependant à la coquetterie des moindres grisettes parisiennes. Elles ont une excellente tenue, ne parlent guère, mais mangent à belles dents le lunch copieux qui leur est servi sous les ombrages. Auprès d’elles se trouve la surintendante ou plutôt l’âme du club, Mrs Grant. Cette femme, intelligente et dévouée, a autrefois émigré avec son mari qui, pendant vingt ans, fit de bonnes affaires à Boston comme ébéniste. Devenue veuve, elle contribue à l’œuvre de Tavistock Place avec un zèle dont l’unique récompense est l’attachement des deux cents filles d’adoption qu’elle s’est données. Elle ne leur ménage pas les conseils et prêche surtout l’économie. Déjà ces demoiselles ont une caisse d’épargne qui leur permet de petits voyages ; par exemple, elles sont allées l’an dernier au bord de la mer, passant le temps à se baigner et en pique-niques, en promenades à pied ou en bateau. La digne Mrs Grant est elle-même aussi vive qu’une jeune fille et ne gêne en rien les ébats de ses pupilles.

Après le lunch, les mêmes voitures qui l’ont amené conduisent le club vers un château historique du voisinage, Ashridge ; Miss Ward les promène dans le parc somptueux qui est une des curiosités du pays. Rentrées à Stocks, elles font grand honneur à un thé servi en plein air comme le lunch. Puis les danses sur la pelouse commencent au son d’un piano et d’un violon placés sur les terrasses. Elles dansent bien, car toute l’année elles s’y exercent entre elles ; on me dit même que des danses de caractère ont accompagné joliment une cantate avec costumes dont Miss Ward prit l’initiative. Tout cela produit de l’aisance, une certaine grâce ; la plupart en étaient jusque-là fort dépourvues ! — La danse américaine qui répond à notre vieux pas de quatre est exécutée de verve, puis ce sont des valses, des polkas. Miss Dorothée se joint à la fête et aussi la charmante petite fille du général Lyttelton qui, bien qu’elle porte encore une robe de baby, a déjà visité l’Afrique et garde dans