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faire part de tous ces détails à l’évêque de Nancy, auquel je n’ai le temps d’écrire que quatre mois.

« Ce n’est pas sans un regret extrême que je m’éloigne encore davantage de ma patrie : mais j’entrevois, dans cet asile très solide et dans l’amitié de Paul, le premier acheminement véritable vers l’objet de mes vœux les plus ardens ; cet espoir me console et me soutient. »

Ce langage, on le reconnaîtra, n’est pas d’un homme que trouble et déconcerte l’excès de ses infortunes. Il est celui d’un homme ferme qui ne doute ni de son bon droit, ni de son étoile, qui croit que l’éternelle justice le remettra tôt ou tard à la place qui lui est due et qui, fort de cette confiance indomptable, conserve toujours son sang-froid, sa sérénité, toute sa liberté d’esprit, même aux heures les plus douloureuses de sa vie. Celui dont nous parlons et que tant de lettres de lui, publiées pour la première fois, montrent sans cesse animé de la même espérance, eût été excusable de plier sous le fardeau de ses dures épreuves au moment où il allait quitter le duché de Brunswick. A la suite de tant d’autres qu’elle devait nécessairement lui rappeler, celle-ci lui prouvait que le destin acharné contre lui ne désarmait pas et qu’il n’en avait pas épuisé les rigueurs. Mais ce fut son mérite à toutes les étapes de son exil, d’être toujours plus haut que son infortune, « d’être soutenu par une voix intérieure qui lui disait que ses malheurs auraient leur terme. » Les dernières lettres qu’il date de Blanckenberg le dépeignent tel qu’on l’avait vu à Coblentz, à Hamm, à Riegel, partout enfin où ses efforts avaient rencontré une volonté plus forte que la sienne : calme, confiant, courageux et résigné.

Peut-être aussi la certitude d’être traité en roi par le souverain qui lui donnait asile, contribuait-elle à le réconforter. Le comte Schouwaloff envoyé de Russie pour le chercher était arrivé à Blanckenberg avec des équipages et une escorte. Il en était même mécontent : « Avec les meilleures intentions du monde, écrivait-il à son frère la veille de son départ, on m’oblige à une magnificence de voyage qui me désole, parce que je vais jeter sur le chemin des sommes ridicules que je pourrais économiser, qu’à mon arrivée à Mitau, un peu de fierté, encore plus de délicatesse, m’empêcheront de demander et que si l’on ne me prévient pas, je serai bientôt à sec. »

Sa pauvreté ne justifiait que trop cette confidence. En