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deux ans, il n’a cessé de prendre envers elle, et cette occasion, il se garde bien de la laisser échapper.

«… Il y a aujourd’hui dix-neuf ans que vous êtes née ; je n’ai besoin d’aucune époque pour penser à vous : mais celle-ci semble appeler davantage mon attention. Je me rappelle les souhaits que je formais pour vous en vous présentant à l’autel ; je les renouvelle avec plus d’ardeur aujourd’hui. J’étais loin de prévoir les malheurs qui devaient sitôt nous accabler, et les engagemens que je prenais, en représentant votre parrain, j’y serai fidèle, et si je n’ai ni pu, ni même dû donner des soins à votre enfance, je les donnerai à votre jeunesse. Le premier, le plus important, comme le plus doux, sera d’assurer le bonheur du reste de votre vie, et j’espère, comme je vous l’ai déjà dit, que ce sera un des premiers fruits de la paix. »

Sur ce point, le Roi ne se trompait pas. La paix devait avoir pour conséquence, en effet, de rendre possible le mariage de sa nièce. Quand il traçait les lignes qui précèdent, il le croyait prochain. Mais, il restait toujours dans l’incertitude quant à la question de savoir où il pourrait le célébrer. Sans doute le Tsar lui avait assuré un asile à Yever en Westphalie. Mais, dans ce pays voisin de la Hollande, ne serait-il pas exposé à quelque coup de main des républicains ? Il jugeait, en tous cas, imprudent de s’y rendre. Voudrait-on le recevoir ailleurs où il eût été en sûreté, dans la Lusace ou dans le Mecklenbourg ? Il n’avait que trop de raisons d’en douter. Il lui restait, il est vrai, la Russie. Mais, ce ne pouvait être là qu’un pis aller. Plus que jamais il tenait à ne pas s’éloigner des frontières de son royaume. Il allait cependant y être contraint.

Au mois de décembre, le Cabinet de Berlin, à l’instigation du Directoire, lui retirait brusquement l’autorisation de résider dans le duché de Brunswick, et le contraignait ainsi à accepter l’hospitalité que l’empereur de Russie lui offrait à Mitau. Ce fut à grand’peine que ce malheureux prince obtint que le roi de Prusse tolérât sa présence jusqu’à ce qu’il eût reçu de l’Empereur une réponse à sa lettre. Elle lui arriva le 26 janvier ; elle était favorable. Les résolutions définitives furent bientôt prises. En remerciant Paul Ier, il lui annonçait qu’il se mettrait en route le 10 février, sous le nom de comte de l’Isle.

Depuis qu’il avait été invité à quitter Blanckenberg, il s’était refusé la satisfaction d’écrire à sa nièce, ce qui semble d’autant