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est en France, est Mme de Champcenetz qui, toute née à Clèves qu’elle est, n’en est pas moins bonne Française, et a par devers elle plusieurs traits aussi courageux que touchans de secours envers nos pauvres émigrés. Je n’ai dans ceci d’autre mérite que d’être le canal par lequel elle vous transmet cette preuve certaine de son attachement. Mais je n’en jouis pas moins du plaisir douloureux que vous éprouverez, et il me semble qu’en vous faisant passer l’image de votre mère, j’acquiers un droit de plus à votre tendresse, que cette bague est un lien de plus entre nous, et vous pouvez juger de l’empressement avec lequel je saisis cette idée. »

Le 29 novembre, la princesse annonce la mort du roi de Prusse qu’elle vient d’apprendre :

« On dit ici que le roi de Prusse est mort. Je ne sais si dans ce moment-ci cet événement est heureux ou malheureux. Son fils, je crois, est peu disposé pour les émigrés français ; on dit même qu’il en a fait arrêter déjà deux. C’est un mauvais commencement. Je crois cependant que nous n’avons pas lieu de beaucoup regretter l’autre. La campagne de Champagne qu’il a faite et sa malheureuse réussite est une chose que je ne peux pas comprendre. Dans le temps, j’ai toujours cru qu’on nous faisait des histoires quand on disait que le roi de Prusse reculait, c’était une chose qui me paraissait impossible étant si près de Paris. Enfin, il faut oublier tout ce qui s’est passé car on n’y voit que choses tristes et affligeantes. »

Le Roi est bien de cet avis. Mais il ne résiste pas au désir de prouver que ces douloureux souvenirs ne se sont pas effacés de sa mémoire.

«… La mort du roi de Prusse vous a rappelé une bien cruelle époque. Jugez de ce que je souffrais de notre fatale retraite ! Nous n’étions plus qu’à vingt-cinq lieues de vous, je voyais vos bras tendus vers nous, et il fallut s’éloigner. J’aurais supporté de quitter une seconde fois ma patrie : mais je sentais tout ce que vous deviez éprouver, et la certitude que vous sentiez aussi ce que j’éprouvais moi-même rendait encore ma peine plus aiguë. Adorons la Providence, ma chère enfant ; c’est la seule ressource qui reste dans des pensées aussi douloureuses. »

Enfin le 19 décembre, l’anniversaire de la naissance de sa nièce lui fournit l’occasion de résumer sous une forme en quelque sorte plus solennelle les tendres engagemens que, depuis plus de