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des nouvelles ultérieures le ramena, On l’aperçoit dans une lettre qu’écrivait la princesse quinze jours plus tard en réponse à celle qu’elle venait de recevoir de son oncle au retour d’un pèlerinage qu’elle avait fait à un sanctuaire de la Vierge, situé « à neuf postes » de Schœnbrun : « Je commençais à être inquiète, ne recevant pas de nouvelles ; j’ai même demandé à l’évêque si vous ne lui aviez rien mandé à ce sujet. Mais, il m’a paru très surpris que je lui aie dit cela et ne m’a pas paru instruit de l’accident. »

Au bout de peu de temps, le Duc d’Angoulême fut entièrement rétabli. Un mot du Roi glissé dans une lettre en prévint la fiancée, mais avec si peu de détails qu’elle soupçonna qu’on ne lui disait pas toute la vérité. Elle craignait que son cousin ne fût resté estropié. Elle n’osa cependant faire part au Roi de ses craintes. Il n’en est pas moins vrai que, durant la période dont nous racontons les incidens, il s’inquiéta plus vivement qu’il ne l’avait fait jusque-là des dispositions de sa nièce. Il ne trouvait plus dans ses lettres « le style d’une résolution aussi fixe et aussi déterminée qu’elle semblait l’être à sa sortie de France. » Confident de ses inquiétudes, d’Avaray qui les partageait, fut d’avis de tout faire pour savoir si elles étaient ou non fondées.

Un brillant gentilhomme français, le marquis de Bonnay, jadis familier de la Cour de France, maintenant émigré et souvent employé par les princes à des missions de confiance, se trouvait alors à Blanckenberg. Il s’y était arrêté en allant en Autriche, afin de présenter ses hommages à son maître et de prendre ses ordres pour Vienne. Sur le conseil de d’Avaray, le Roi résolut de se confier à lui et d’utiliser son zèle pour pénétrer le véritable état d’âme de Madame Royale[1].

« — J’ai une plaie qui me ronge, mon cher Comte, lui dit-il. Les lettres de ma nièce me font craindre qu’on ne soit parvenu à l’autrichienniser. Il me semble que ses résolutions ne sont plus aussi fermes, et l’on m’affirme que les Français admis à lui faire leur cour ne trouvent plus auprès d’elle l’accueil qu’ils sont en droit d’en attendre. Je ne doute pas de son obéissance si j’en venais à lui ordonner de se rendre auprès de moi pour accomplir le vœu de ses parens. Mais, n’a-t-on pas cherché à lui

  1. Ces détails et les suivans sont extraits du rapport dans lequel le 24 décembre, le marquis de Bonnay rendait compte de sa mission. Ce rapport adressé au comte d’Avaray était destiné à passer sous les yeux du Roi.