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qui était alors à Budweiss en Bohême, ni ses grand’tantes réfugiées à Naples ; ceux-là lui écrivaient régulièrement. Mais, en dix-huit mois, elle n’avait reçu qu’une seule lettre du Comte d’Artois, aucune de la Comtesse d’Artois, qui résidait encore à Turin, ni du Duc de Berry, et pas davantage de ses cousins d’Espagne. La reine de Naples était restée longtemps aussi avant de lui donner une marque d’intérêt ou de souvenir. Elle en concluait qu’elle était, de la part d’une partie de sa famille, l’objet d’une indifférence blessante. Ce qui contribuait encore à le lui prouver, c’est qu’on ne l’informait qu’accidentellement des événemens qui pouvaient l’intéresser ; elle n’était tenue au courant de rien. Le plus souvent, c’est par les gazettes ou par des visiteurs qu’elle apprenait les détails qui regardaient ses proches et en se le rappelant, elle y puisait la crainte d’être comptée pour peu de chose.

À ces griefs que ses parens d’Autriche, loin de les combattre, se plaisaient à grossir, vint s’en joindre un autre qui acheva de la mécontenter. Le 22 août, le Duc d’Angoulême, se promenant autour de Blanckenberg, tomba de cheval et se cassa la clavicule. Elle l’apprit à peu de jours de là, en lisant un journal. Elle fut profondément blessée de n’avoir pas été avertie par le Roi et d’autant plus humiliée de ce qu’elle considérait comme un manque d’égards, que la famille impériale ne manqua pas de le lui faire sentir. En réalité, il n’y avait de coupable que la poste, car le Roi avait écrit à sa nièce quelques heures après l’accident. Mais, elle ne put s’en convaincre que lorsque la lettre de son oncle lui parvint, avec un retard de plusieurs jours, le 2 septembre, et lui apporta des nouvelles du blessé.

« J’ai reçu hier, ma chère enfant, votre lettre du 12, et j’ai remis à mon neveu celle qui était pour lui. Jugez de la douleur qu’il éprouve d’être obligé de s’en remettre à moi pour répondre à une lettre si aimable ; mais il y est forcé. Ce matin, une chute de cheval qui aurait pu être beaucoup plus dangereuse, lui a cassé la clavicule. Cet accident ne l’a pas empêché de faire à pied une lieue, et comme son bon cœur ne se dément jamais, au lieu d’aller chez lui se faire panser, il est venu lui-même m’en apporter la nouvelle, afin que l’ayant vu avant de savoir ce qui lui était arrivé, mon inquiétude fût moindre. Mon chirurgien qui est très bon, l’a pansé d’abord après ; la fracture est simple, et j’espère que la guérison n’en sera pas bien longue : mais