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Il possédait au plus haut degré la faculté de pouvoir s’occuper en même temps de beaucoup de choses sans que leur multiplicité portât dommage à aucune d’elles. Sa correspondance, en cette année 1797, qui fut une des plus remplies de sa vie d’exilé comme la plus féconde en espérances et en déceptions, témoigne de l’activité de son esprit. Il voit tout, veille à tout, tient pied à tout, passant avec une aisance remarquable des affaires de famille aux affaires politiques, s’occupant à la fois, avec l’incessante collaboration de d’Avaray et le concours de Saint-Priest, du mariage de ses neveux : celui du Duc d’Angoulême avec Madame Royale, celui du Duc de Berry avec la veuve de l’Électeur de Bavière ou l’une des filles du roi des Deux-Siciles[1] ; de la reconstitution de son agence de Paris qu’a disloquée au mois de février l’arrestation de ses trois principaux membres ; de la création d’une autre agence en Allemagne ; des divers mouvemens de l’intérieur qu’il s’efforce en vain de coordonner pour les faire tendre au même but ; des instructions à répandre en France en vue des élections qui vont renouveler pour un tiers le Conseil des Cinq-Cents ; des mesures à édicter pour activer le zèle de certains de ses partisans ou pour modérer l’intempestive ardeur des autres ; de la réorganisation de l’armée de Condé abandonnée par l’Autriche et que l’empereur de Russie vient de prendre à sa solde. Il multiplie les instructions et les ordres, envoie de pressans avis à son frère dont il redoute sans cesse les imprudences, s’occupe également de ses affaires financières, sollicite des secours et s’applique à soulager les innombrables misères de la noblesse émigrée ainsi qu’à dénouer pacifiquement les conflits trop fréquens qui s’élèvent entre ces infortunés proscrits.

Pour faciliter le mariage du Duc d’Angoulême et de Madame Royale, il a le droit de compter sur l’Autriche. Il voudrait espérer que la Cour impériale ne refusera pas de venir en aide à la fille de Marie-Antoinette. Mais, il connaît l’égoïsme de cette Cour ; il la sait intéressée et avide ; il se demande s’il pourra obtenir d’elle tout ce qu’il en attend ; c’est-à-dire une pension

  1. « On dit l’électeur de Bavière mort. Il laisse une jeune et jolie veuve. J’ai fait ce que j’ai pu pour persuader à mon neveu de l’épouser. Je n’en ai jamais pu venir à bout. » Le Roi à Monsieur, 5 juin 1797. — L’année suivante, il ouvrit avec la cour de Naples en vue du mariage du Duc de Berry, des négociations qui n’aboutirent pas.