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lieu à Prague, il espérait qu’elle aurait lieu à Vienne. Saint-Priest l’avait écrit à Mme de Chanclos, et la réponse de celle-ci n’était pas pour décourager l’espoir du Roi, qui lui-même en avait fait part à Madame Royale. Le Comte d’Artois lui ayant envoyé une lettre pour sa future bru en le priant de la faire parvenir, il saisit cette occasion d’insister auprès d’elle.

« Je m’acquitte avec plaisir, ma chère enfant, de la commission que mon frère m’a donnée, en vous faisant passer sa lettre ci-jointe. Il la mise à cachet volant, j’en ai conclu que son intention était que je la lusse, et tout sûr que j’étais de sa tendresse pour vous, j’ai été charmé d’en trouver les expressions. Je voudrais bien, comme lui, que son fils pût en être le porteur, qu’il pût vous parler un instant du sentiment dont il m’entretient toute la journée. Je le désire pour lui à qui ce moment heureux donnerait plus de forces pour attendre celui qui fait l’objet de tous ses vœux et des miens. Je le désire aussi pour vous-même, qui verriez que je vous dis vrai, lorsque je vous par le de votre bonheur futur. J’espère que ce n’est pas tout à fait un rêve, et que l’occasion perdue à. Prague se retrouvera bientôt.

« Mon frère désire que je vous par le de sa position ; elle est toujours la même. Toujours fixé au poste où il est plus à portée de servir nos communs intérêts, il se console de cette espèce d’exil, en songeant qu’il est où son devoir lui commande d’être. Mais, comme vous le voyez par sa lettre, il porte, ainsi que moi, sa pensée dans l’avenir. Il voit s’avancer le jour heureux où nous serons tous réunis, et quoiqu’il n’ait pas vu, comme moi, ces momens horribles où votre caractère s’est développé de si bonne heure d’une manière à la fois si grande et si touchante, il n’en ignore aucun détail, et indépendamment de sa tendresse pour vous, il s’enorgueillit d’être destiné à vous appeler sa fille. Il me rend en ce moment un service, en me donnant une occasion de plus de vous parler aussi de mon amour paternel, et de recevoir des témoignages de votre amitié. C’est la plus grande consolation que je puisse recevoir, et je ne vous cache pas que je ne vois jamais arriver la poste de Vienne, sans une émotion douce ou triste suivant qu’elle m’apporte ou qu’elle ne m’apporte pas de vos nouvelles. »

Lorsque le Roi mettait tant de chaleureuse persistance à marquer à sa nièce combien sa famille française avait hâte de la revoir et tout le prix qu’il attachait lui-même à une entrevue