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écrit son confrère Sion. Notre poète s’empara de ce mot, et il se représenta les souris des archives complotant de venger leur directeur… Elles tiennent un conciliabule dans les armoires et décident de se rendre à Jassy pour y tuer le calomniateur… Voici le début du discours de leur principal chef :


— Depuis que nous trouvons notre asile sous ces voûtes,
O mes frères, vous savez à quel point nous sommes heureux !
Le chef actuel des archives, homme pacifique, s’il en fut
A été pour nous un zélé protecteur, que dis-je ? un père !
Personne d’entre nous ne peut se plaindre d’avoir été chassé de son trou
Ou d’avoir rencontré quelque chat dans ces murs…


Sion fut mangé après une héroïque résistance. Il était en train de faire des rêves délicieux au moment où les souris de Bucarest arrivèrent :


La nuit régnait dans la nature
Et les frais zéphirs
Soufflaient exactement de la même manière
Sur les bons et sur les méchans…


La plus importante de toutes les satires du recueil de 1863 est celle qui a pour titre : Une profession de foi. Elle est d’une portée politique et sociale très haute. L’époque de 1850 à 1860 est, de toute notre histoire contemporaine, la plus remplie de faits et, à bien des points de vue, la plus caractéristique. Le traité de Paris avait décidé la cessation du protectorat russe dans les deux principautés et la convocation, à Bucarest et à Jassy, de deux assemblées spéciales, « les Divans Ad Hoc, » qui exprimeraient, devant les représentans des puissances européennes, les vœux des Roumains. C’était le moment décisif pour les « Moldo-Valaques. » Vieille et nouvelle génération, ceux qui avaient fait leur éducation politique dans le pays, « à l’ancienne école, » et ceux qui avaient été élevés à l’étranger, et principalement à Paris, ceux que les jeunes gens appelaient « les vieilles perruques » et ceux que les vieux appelaient des « Bonjouristes[1] » étaient debout et agissaient en vue des élections. Or les jeunes désiraient surtout les trois choses suivantes : 1° l’union des principautés de Moldavie et de Valachie ; 2° la nomination, comme chef du nouvel État roumain, d’un prince étranger ;

  1. Parce qu’ils se disaient « bonjour, » quand ils se rencontraient, comme à Paris.